« La crise de l'immobilier peut faire le bonheur de petites villes béarnaises » - Premium

À l’occasion des semaines de l’industrie, beaucoup de responsables économiques de ce secteur ont pointé du doigt les difficultés du secteur à recruter. Le phénomène va-t-il au-delà de l’industrie ? Je ne connais pas de secteur épargné. Tout le monde a le même problème, à des degrés divers. Et ce problème peut venir compliquer la suite, et même ternir nos atouts en matière d’attractivité. C’est bien d’avoir des projets en Béarn, encore faut-il avoir des bras pour les réaliser. Est-ce parce que l’on manque de compétences ? Mais tout le monde a compris que les formations, quand elles n’existent pas, on les organise en interne, surtout dans l’industrie, l’aéronautique, le bâtiment. Si les candidats n’ont pas la compétence requise mais ont la motivation, ils sont recrutés.Existe-t-il des leviers pour agir sur ce problème au niveau local ? On est en plein mois de l’industrie, dans la semaine école-entreprise… ce sont des actions nationales, que l’on décline au plan local, toujours dans le même objectif d’aller porter la bonne parole, de faire connaître le monde de l’entreprise, de démystifier l’usine d’aujourd’hui. Nous essayons d’être présents dans des conseils d’administration d’établissements, d’avoir des rapports étroits avec l’éducation nationale, pour essayer de modifier la perception que peuvent avoir certains enseignants sur l’avenir de leurs élèves… On est ouverts à toutes sortes d’initiatives.« Nous sommes ouverts à des augmentations salariales, mais à coût égal »Ce sont surtout des initiatives visant à s’adresser à un public existant. Pensez-vous qu’il y ait un réservoir de main-d’œuvre potentielle en Béarn, alors que le territoire est pratiquement au plein-emploi ? J’ai la faiblesse de penser que l’on doit avoir quelques réserves. Au niveau éducatif, nous avons quand même pas mal de filières, l’université, l’école de commerce… il y a des formations d’un très bon niveau. Ce que j’aimerais bien connaître, c’est la proportion de ces diplômés qui restent ensuite en Béarn. Nous avons aussi ici un problème avec la non-mobilité des gens. Déplacer quelqu’un de Pau à Nay, d’Oloron à Lacq, c’est compliqué. Il y a un attachement des Béarnais à leur territoire qui est très important.C’est aussi un enjeu salarial… Inflation aidant, les revendications salariales sont de plus en plus nombreuses, des fois légitimes, mais les entreprises font ce qu’elles peuvent. Il y a de l’activité, mais on attend de voir les marges, dont les niveaux sont au plus bas depuis fort longtemps. Nous sommes ouverts à des augmentations salariales, mais à coût égal, avec des baisses de cotisations. Aujourd’hui, malgré les beaux discours, on ne voit pas de gros allègements.Mis à part ses difficultés de recrutement, l’industrie béarnaise se porte bien. D’autres secteurs sont-ils plus à la peine ? Aujourd’hui, tout ce qui est commerce souffre. Il y a une réelle baisse de la consommation. Le bâtiment a l’air de repartir un peu. En revanche, ici comme ailleurs, tout ce qui est immobilier est dans une crise énorme. Plus rien ne se vend ni ne s’achète, les promoteurs voient arriver le mur.À quoi est-ce dû ? C’est dû d’abord aux taux d’intérêt bancaires et aux conditions d’octroi des crédits. On s’est habitués depuis des décennies à des taux ridicules voire négatifs, à des prix relativement élevés. Aujourd’hui, les propriétaires fonciers sont principalement des retraités qui n'ont pas forcément besoin de réaliser leur bien rapidement, et qui préfèrent le laisser en vente plus longtemps plutôt que de baisser leurs prix. Cela va finir par être un problème pour Pau, comme ailleurs. Si l’on arrive à attirer les bras dont on a besoin, il va falloir les loger. Même si, c’est vrai, on a quand même moins de soucis de ce point de vue-là qu’au Pays Basque. Cette situation peut aussi faire le bonheur de certaines petites villes béarnaises. Orthez, par exemple, en matière immobilière, se développe bien : elle est toute proche du bassin de Lacq, plus proche du Pays Basque que Pau… Des villes comme cela ont des atouts à faire valoir, et cette situation peut être un mal pour un bien.« Les réductions de consommation d'énergie sont entrées dans les mœurs »À l’approche de l’hiver, quel est l’état d’esprit des entreprises par rapport au prix de l’énergie ? On semble avoir une quasi-sécurité, un prix a été fixé. La plupart des industriels ont l’air de dire que c’est quand même un prix élevé. Mais ça y est, il est intégré à nos modèles économiques, on va faire avec. Finalement, cette crise a peut-être accéléré la transition énergétique de pas mal d’entreprises. Les réductions de consommation, l’optimisation, l’isolation… sont entrées dans les mœurs. Les commerces sont plus raisonnables sur les éclairages, dans les bureaux on a pris l’habitude de tout couper en partant le soir. Au niveau des déplacements des collaborateurs, on va privilégier le train, les voitures d’entreprise… tout le monde a évolué.Pour finir par un sujet d’actualité, qu’avez-vous pensé de la campagne publicitaire de l’ADEME qui a choqué beaucoup d’associations de commerçants ? Elle m’a fait bouillir. Je comprends, et je suis presque d’accord avec le message, mais je ne supporte pas la forme, c’était très maladroit. Les gens ont aujourd’hui intégré ces enjeux, ils font attention à leur consommation, à la provenance de ce qu’ils achètent. Mais de là à dire « n’achetez plus », alors que les commerçants sont dans la panade aujourd’hui… Et puis, si l’on veut monter une politique du consommez français, il faut bien qu’il y ait des consommateurs au bout. Nos produits français fabriqués à Cahors ou à Brive, on n’ira pas les vendre à Shanghai…Peut-on concilier consommation durable et développement du commerce ? On l’espère… pour eux, pour nous. La solution est dans l’émergence de nouveaux modèles économiques, autour de la seconde main par exemple. Mais cette solution fera des gagnants et des perdants. Si cette évolution se fait au détriment des produits français ou européens, cela posera problème.On va arriver dans une problématique : pour vendre moins, il faudra vendre plus cher, car il faudra bien que les producteurs et les intermédiaires vivent. Est-ce qu’il faut être moins nombreux sur certains créneaux ? C’est possible… en tout cas, on ne pourra pas continuer dans un schéma où l’on vend moins, pour moins cher, et d’un autre côté toujours recruter plus cher. Il va y avoir une tenaille.

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