Gouvernement en attente : « Le pire, c'est le manque de visibilité. Si on a les règles du jeu, on s'adapte » - Premium

« Il ne faudrait pas que cela dure trop longtemps. » Par « trop longtemps », les chefs d'entreprise entendent « moins de six mois ». Or, l'incertitude politique au sujet de la composition du gouvernement a débuté début juin, il y a trois mois déjà. Investissement, immobilier, BTP, emploi, formation, RSE, tous les secteurs économiques et les axes stratégiques sont impactés par le flottement de la situation. Certains projets lancés récemment peuvent rester figés dans les limbes des atermoiements de l'Elysée.« On ignore quelle sera la fiscalité, le niveau du Smic, le prix de l'électricité, les exigences sur les normes environnementales… résume François Perrin, président du Medef Nouvelle-Aquitaine. En gros, entre le programme d'un parti et celui d'un autre, à l'autre bout de l'échiquier politique, non seulement les bases sur lesquelles les entreprises ont fondé leurs décisions pour les années à venir sont opposées mais, en plus, elles pourraient être radicalement différentes des bases actuelles. » Il ne dit pas non plus que la France est à l'arrêt mais alerte sur les conséquences d'un flou qui s'étirerait. Pour Axel Champeil, président de la société de bourse Champeil et ancien président de Bordeaux Place Financière et Tertiaire (BPFT), « l'incertitude ne prendra fin qu'avec le vote de la loi de finances 2025, même si la nomination du Premier ministre, des ministres puis les discours de politique générale donneront une première indication ». Selon lui, c'est réellement le cadre qui permettra d'impulser à nouveau les projets. « Le pire, c'est le manque de visibilité. Si on a les règles du jeu, ensuite, on s'adapte », résume-t-il. L'économie a besoin de l'immigrationConcrètement, l'entreprise se demande, par exemple, si elle peut embaucher alors que le programme du NFP veut voir le Smic augmenter à 1.600 euros, si elle lance un programme dans le secteur de l'énergie alors que le prix du KW/h n'a pas été acté ou bien si elle s'oriente vers un développement ne sachant pas comment pourrait évoluer l'impôt sur les sociétés (IS). « Les décideurs bloquent les décisions d'achats et d'investissement, non pas sur les courses de la semaine, ironise François Perrin, mais sur les grands dossiers engageant leur entreprise, l'emploi, leurs clients, fournisseurs… La chaîne des conséquences est longue. » L'un des secteurs les plus impactés, parce que son contexte est actuellement difficile mais aussi parce que son inertie est, structurellement, forte, est le logement neuf. Pierre Vital, vice-président national de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), explique : « Ne sachant pas comment la législation va évoluer, on n'ose plus déposer des demandes de permis de construire et les collectivités laissent leur réponse en suspens. Pour expliquer la situation, nous n'avons plus d'interlocuteur au gouvernement. Les décisions réglementaires qui devaient être prises ces derniers mois ne l'ont pas été. La production a donc été différée. Plus la situation dure, moins on produit de logements, plus les entreprises sont en difficulté. Les salariés contraints de quitter l'entreprise ne reviendront pas, il faudra recruter à nouveau, former, etc. Tout cela prendra beaucoup de temps. » Sur le cas précis de la problématique du logement, elle est présente dans tous les programmes politiques. Ce qui change c'est la manière dont elle s'applique. Les intentions du NFP sont moins favorables à l'investissement immobilier puisque l'investissement y serait taxé davantage que dans le programme centriste ou du RN. « Le programme de ce dernier est plus favorable, estime un chef d'entreprise du secteur immobilier préférant garder l'anonymat. Néanmoins, d'autres axes de ce projet, ne sont pas forcément bénéfiques pour l'économie. »Un autre témoin, toujours sous couvert de préservation de son identité, sous-pèse : « Le programme du NFP est intenable en l'état, avec une hausse du Smic qui impacterait l'emploi, les taxes qui impactent les investissements... Et celui du RN fermerait les frontières or l'économie a besoin de l'immigration pour fonctionner notamment dans certains secteurs comme le BTP ou l'agriculture lors des récoltes mais aussi le secteur médical. » La radicalisation de la politique n'est pas bénéfique à l'économie. « On s'attend à devoir faire des efforts sur la fiscalité », avance un chef d'entreprise girondin. Et le bloc centriste ? « C'est celui qui changerait le moins les règles du jeu sur lesquelles les entreprises ont bâti leurs plans, mais aura-t-il la possibilité de continuer son programme alors que la demande sociétale est forte ? », interroge Axel Champeil.

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