Bègles veut « aider les entreprises dans leur transition » environnementale - Premium

Le budget d’investissement 2024 s’élève, pour la Ville de Bègles, à 22,4 millions d’euros. Soit 671 euros investis par habitant, contre 187 euros en 2022. Pourquoi un tel niveau d’investissement ? Parce qu’en matière d’investissements, on est souvent sur des cycles. Il y a eu un petit effet Covid durant deux ans, et comme les équipements sont nécessaires, tout arrive maintenant. Il y aura une école dès cette année pour un investissement de 2,5 millions d’euros, un groupe scolaire en septembre 2025 pour 17 millions d’euros, un musée, un petit complexe, la cuisine centrale aussi… Tout cela entre dans le PPI, le plan pluriannuel d’investissement, qui prévoit 85 millions d’euros investis d’ici 2026. Pour cela nous ferons appel à de l’emprunt d’ailleurs, qui est très faible chez nous [ndlr, 4 millions d’euros, soit 126 euros par habitant]. On a bien géré, ce qui nous permet de repartir sur un cycle très fort. Pourquoi votre taux d'endettement est-il si faible ? La Ville de Bègles avait une SEM municipale [ndlr, société d’économie mixte] de logements sociaux, qui gérait le parc locatif social, mais qui n’avait plus la masse critique pour une bonne gestion. Dans les années 2010, il y a eu un mouvement où de nombreuses SEM municipales ont été vendues à d’autres bailleurs. En l'occurrence, celle de Bègles a été vendue à Vilogia [ndlr, groupe privé d'immobilier social basé à Villeneuve-d'Ascq], qui s’est installé sur la commune. La vente a permis à la Ville de se désendetter, et d’utiliser cet argent pour investir. Mais au bout de 15 ans, l’argent a été dépensé donc nous devons repartir sur un cycle plus traditionnel d'emprunt.Préserver une mixité d’emplois Qu’en est-il de votre politique en matière d’économie et d’accueil des entreprises, à Bègles ? Quelle est votre feuille de route ? Le développement économique a toujours été important pour Bègles. C’est historiquement la ville ouvrière et un peu maraîchère de la rive gauche. Parce qu’au 19e ou 20e siècle, les vents porteurs éloignaient les mauvaises odeurs de Bordeaux. Il y a eu toutes les activités qui sentaient mauvais - savon, soufre, papeterie… Je souhaite garder cette mixité d’emplois. L’aménageur Bordeaux Euratlantique intervient deux fois sur notre commune, sur le parc Eunice Newton et sur la Cité Numérique. À terme, ce seront plus de 1.000 emplois dédiés aux énergies renouvelables et à la transition énergétique qui seront installés sur le parc Newton autour de la société Valorem, qui est historiquement implantée à Bègles. Et la Cité Numérique est aujourd’hui le premier lieu de France devant la Station F de Xavier Niel, en matière d’emplois et de mètres carrés. Maintenant, on va travailler à mieux la faire connaître car elle a un petit déficit de notoriété, je trouve. Dernièrement, je me suis battu pour sauvegarder la papeterie de Bègles. Grâce à Euratlantique qui a fait le portage financier, on a trouvé un repreneur [ndlr, Luc Brami, dirigeant de la société Global Hygiène] et la nouvelle ligne de production est en cours d’installation dans la désormais Papeterie de la lune. Pour moi, c’est une fierté d’avoir réussi à sauver cette papeterie, car la plupart ferment en France. Au-delà d’une volonté de mixité économique, y a-t-il des activités que vous ne souhaiteriez pas voir s’implanter sur Bègles ? Non, plutôt que de refuser une activité, l’idée est plutôt d’aider les entreprises dans leur transition. Par exemple le propriétaire précédent de la papeterie, le groupe Etex, avait des processus industriels très, très carbonés. On travaillait avec eux pour décarboner cela, avec notamment l’idée de les brancher sur l’usine d’incinération Valbom qui est en délégation de service public. Comme les déchets ne pouvant être recyclés sont brûlés, ils créent de la chaleur. Nous avons mis en place un réseau de chaleur qui va venir chauffer toute la partie de Bordeaux Euratlantique [ndlr, le long des quais de Bègles]. Ensuite d’ici quelques années, on tirera ce réseau pour qu’il concerne tous les bâtiments publics. La papeterie n’a plus besoin d’un réseau exclusivement privé, mais voilà ce qu’on peut faire. Après, à un moment, Amazon tournait autour de la métropole - c’est sûr que j’aurais dit non. C’était plutôt vers Blanquefort, mais j’étais quand même très alerté car ici, on a un centre de La Poste qui devait à un moment être supprimé. L’activité est partie plus au sud sur la commune de Cadaujac, et le site de Bègles servira finalement pour la logistique du dernier kilomètre. Mais avant qu’il ne soit maintenu, je ne voulais pas voir arriver un major comme Alibaba ou Amazon.Vers une tarification sociale et environnementale du stationnement ? Vous parlez d’un accompagnement à la transition, les entreprises présentes sur Bègles sont-elles à l’écoute ? Oui, d'abord on a un club d’entreprise très actif, le B3E. Et on sent que la transition est devenue une priorité pour la plupart des entreprises, qui ont bien compris que c’était un passage obligé pour la planète. Après il y a une petite musique qu’on entend, qui dit qu’il faudrait réduire les normes, etc… Je pense qu’il faut en effet peut-être réduire les paperasseries, l’administratif et ses lourdeurs, les demandes contradictoires. Évidemment. Par contre, il faut se battre, ne pas détricoter les feuilles de route environnementales car on en a vraiment besoin. L’année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée, il faut tenir la feuille de route sur la neutralité carbone d’ici 2050. Pour rester sur le sujet environnemental, le maire de Bordeaux Pierre Hurmic a déclaré en octobre dernier, réfléchir à une tarification différenciée pour le stationnement - et qui ferait payer les SUV plus cher. Est-ce une piste de réflexion, pour Bègles ? Déjà, plus d’un quart des zones de stationnement sont en zone bleue. Donc gratuites pour les habitants, ce qui a un coût pour la commune car ce sont les agents municipaux qui contrôlent. Cela fonctionne bien, mais les amendes ne reviennent pas dans les caisses de la Ville - elles vont au niveau de l’Etat, qui en redonne une partie à la Métropole pour financer les transports en commun. Donc la Ville, sur ce sujet, n’a que des dépenses et pas des recettes - et en ce moment, c’est quand même très difficile. On a des demandes d’extension des zones bleues mais on ne pourra pas couvrir toute la commune, ce serait intenable d’un point de vue financier. Dans ce cas-là, on passerait au payant. Et ce serait une tarification sociale et écologiste, car je trouve que c’est la plus juste. Écologiste, la loi nous permet de le faire comme à Paris. Il faudrait voir dans le détail mais quand on a des véhicules pas adaptés à la ville - je le dis comme ça -, énormes, des espèces de « pick-ups », de 4x4 voire même de SUV… et qu’une personne fait 500 mètres pour acheter sa baguette de pain, ce n’est pas possible d’un point de vue environnemental et de l’aménagement urbain. Si vous avez une grosse voiture qui pèse très lourd, c’est un choix de votre part, donc vous payez le stationnement plus cher. Et en contrepartie, si un jour - et ce n’est pas fait - on décide de passer au stationnement payant, il sera social. L’abonnement pourra être fait en fonction des revenus.Bègles veut toujours expérimenter la légalisation du cannabisL’année dernière, Clément Rossignol Puech affirmait vouloir faire de Bègles une zone d’expérimentation pour légaliser le cannabis. Si la Ville attend toujours une réponse favorable des services de l’Etat, ses équipes ont travaillé durant dix mois sur un projet concret, qui sera présenté le 10 avril prochain. « Il s’agirait d’un panel de 100 Béglais représentatifs de la population, des consommateurs de cannabis. Durant deux ou trois ans, ils pourraient acheter en toute légalité et pour tous types d’usage, du cannabis avec un taux de THC variable, contrôlé, et idéalement produit pas très loin », esquisse à Placéco Clément Rossignol Puech. Qui voit là une opportunité économique pour les agriculteurs néoaquitains. « La culture de cannabis est quelque chose de très rentable, même si c’est compliqué, d’un point de vue sécurité. La Creuse par exemple est un lieu historique de la culture du chanvre, et le président de Guéret Métropole avec qui j’ai échangé, Eric Correia, porte ce sujet depuis longtemps. » Les consommateurs pourraient acheter une quantité maximale de cannabis chaque semaine, et pourraient fumer à domicile ou dans des lieux dédiés et encadrés, entièrement gérés par la commune. Les revenus tirés de cela, s’ils ne permettraient pas d’engranger des bénéfices, « serviraient à financer l’expérimentation, la culture de la plante, les universitaires et les médecins qui suivraient l’expérimentation », poursuit l’élu. Qui voit plus loin : « Si c’était entièrement légalisé il faudrait réfléchir au modèle français. Je serais favorable à des lieux quand même gérés par la puissance publique et contrôlés, plutôt que d’aller vers un modèle très libéral comme à New York. »Pour le maire de Bègles, il s’agirait de réduire le trafic de cannabis, mais aussi les risques sanitaires, et d’avoir une vraie politique de santé publique. « Des opérations de police comme sur Marseille, il en faut. Mais il faut se donner les moyens de casser le trafic, et la légalité encadrée permet non pas de le faire disparaître, mais de l'atténuer très fortement. » Rappelant qu’un million de Français consomment quotidiennement du cannabis, que cinq millions en consomment régulièrement et que plus d’un Français sur deux a déjà essayé, Clément Rossignol Puech insiste : « Les gens se rendent bien compte que le modèle de prohibition actuel ne fonctionne pas, c’est un échec total. Cela reste un produit stupéfiant qui n’est pas anodin - je ne fais pas son apologie, au contraire. Mais c’est toute la société qui consomme, pas que le bobo ou le gars de cité. Et si la France n’avance pas vers la légalisation, on sera isolé en Europe, notre pays sera une citadelle de la prohibition et l’histoire montrera que c’est une erreur fondamentale. »

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