Apprentissage : « Faire des économies sur l’avenir de nos jeunes, le pire des calculs » (Gérard Gomez) - Premium

Avec la mesure qu’on lui connaît, Gérard Gomez, artisan taxi de son état et président de la Chambre de métiers et de l’artisanat de Nouvelle-Aquitaine, n’en est pas encore à crier au feu. Mais, déjà en début d’année, il évoquait des « signaux faibles » qui alertent. En cette rentrée scolaire 2024, il tire néanmoins le signal d'alarme, devant « les plus de 500 millions d’euros d’économies qui menacent l’avenir de l’apprentissage », au niveau national. Et lance un appel aux élus et aux ministres nouvellement en charge de ces questions, sur la pérennité de l’apprentissage et de son financement. « Le contexte financier de notre pays pousse le gouvernement à trouver de nouvelles sources d’économies. L’apprentissage ne peut être la variable d’ajustement. »Déjà, au printemps dernier, les 6.000 euros d’aide annuelle pour un contrat de professionnalisation ont été supprimés. Lors de sa conférence de rentrée, il soulève plusieurs points d’inquiétude. Comme le risque d’une nouvelle baisse des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d’apprentissage, ou la réduction des moyens alloués aux Régions, « limitant ainsi les capacités de soutien de ces collectivités à l’apprentissage et aux centres de formation ». Il pointe également la fin du dispositif prépa-apprentissage, qui « va disparaître en 2025, faute de financement de l’Etat. Créé pour faciliter l’accès à l’apprentissage des jeunes éloignés de l’emploi, il a permis d’accompagner 24.000 jeunes en quatre ans, soit 28% des effectifs nationaux en prépa-apprentissage », rappelle-t-il. Enfin, est évoquée une possible diminution des aides aux entreprises : « Nous appelons le gouvernement à la retenue en compte du niveau de diplôme, mais également de la taille et du secteur des entreprises. » Et de marteler son mantra : « Ces accompagnements doivent être considérés comme des investissements vers l’avenir et non des charges pour l’Etat. »Effectifs en baisse, le début d’un reflux ?En cette rentrée, la CMA Nouvelle-Aquitaine (CMA NA) fait état d’une diminution des effectifs d’apprenants, après plusieurs années de forte croissance. « On sort d’années particulièrement fastes, avec 5 à 10% de hausse annuelle. Nos CFA étaient remplis. On arrive plutôt à un palier. D’autant que la concurrence est de plus en plus forte depuis la loi Pénicaud [ndlr, pour la liberté de choisir son avenir professionnel] », analyse ainsi le président Gomez. D’autant qu’au 30 août 2023, le niveau de prise en charge par France Formation avait diminué, amenant la Chambre de métiers à vouloir enregistrer un maximum d’inscriptions avant cette date. Par effet de comparaison date à date, des baisses sont observées : -2% en première année, -3% sur l’ensemble des parcours, -4% pour les contrats d’apprentissage et -13% pour les contrats de professionnalisation. Mais « il faudra refaire un point entre la fin septembre et mi-octobre pour connaître la véritable évolution ». Au dernier pointage, il était fait état de quelque 11.850 apprentis dans les 15 centres de formation de la CMA NA. « On devrait atteindre la stabilité d’ici la fin de l’année », prophétise Gérard Gomez. Certaines filières souffrent plus que d’autres. Ainsi de l’alimentation (-3% d’apprenants et -6% en apprentissage), du bien-être (-7% d’apprenants et -8% en apprentissage) ou du transport/logistique (-14% d’apprenants et d’apprentis). Idem pour le bâtiment (-7% d’apprenants et -9% en apprentissage) : « C’est lié à la conjoncture mais cela posera clairement un problème quand l’activité redémarrera », analyse le président Gomez. Concernant les métiers rares (ébénistes, tonneliers, couteliers), le recul est marqué : -10% d’apprenants, -23% pour l’apprentissage. A contrario, tendance positive pour la filière mécanique ( 1%) et surtout pour la carrosserie/peinture ( 7% d’apprenants, 6% d’apprentis). Baisse démographique, concurrence accrue en raison de l’augmentation du nombre de CFA et difficultés sont les principales raisons de cette décroissance de l’apprentissage.Explorer de nouveaux territoiresPour autant, la CMA NA et son président ne veulent pas céder au catastrophisme, ni au pessimisme. Notamment grâce à l’expérience acquise par ce réseau. « Nous avons l’antériorité, ça fait 60 ans qu’on forme. On n’y est pas par opportunisme, cingle-t-il, nous continuons d’être implantés dans dix des 12 départements de la région [ndlr, excepté en Creuse et en Corrèze], parfois en maintenant des formations qui ne sont pas rentables. » Outre la modernisation des infrastructures et équipements, émerge l’idée d’une identité commune, source de lisibilité. Courant octobre, un site internet régional unique sera mis en ligne, pour l’ensemble des CFA néo-aquitains et tous les CFA gérés par les Chambres de métiers arboreront la bannière commune « CMA Formation ».La modernisation des CFA néo-aquitains de la CMA se poursuit. Crédit : CMA NA / CMA FormationIl est également question d’explorer de nouveaux secteurs économiques, en proposant de nouvelles formations. Encore discret sur un sujet éminemment stratégique, Gérard Gomez esquisse une réponse en ombre chinoise : « Nous avons la plus grande façade maritime de l’Hexagone. Mais, jusqu’ici, nous ne proposons pas de formation autour du nautisme, de la glisse et de la mer. Des secteurs importants pour l’économie de notre région. On se doit d’être plus présent. » CMA Nouvelle-Aquitaine300 élus, 1.750 collaborateurs, 300 points de contactCMA Formation en Nouvelle-Aquitaine15 sites sur 10 départements, 950 collaborateurs11.850 apprenants au 31 août 2024 (deux tiers d’hommes, un tiers de femmes)16% des apprentis de la région.

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