Escensi : de la détection des chutes à la prévention des situations à risque
À partir de leur détecteur de chute UWB, Armand Collier et Samuel Schneider ambitionnent d'alimenter les établissements de santé en données utiles - photo AL
Partie d’un bracelet dédié à la détection des chutes pour les personnes âgées, la startup bordelaise Escensi développe aujourd’hui une approche mêlant IoT et big data, avec l’ambition d’aider les hôpitaux, EHPAD et autres établissements spécialisés à prévenir les situations à risque, mais aussi à améliorer l’efficacité de leurs processus.
En France, les chutes des personnes âgées entraînent chaque année plus de 100 000 hospitalisations et plus de 10 000 décès. Rappelés par le gouvernement fin février, lors de la présentation d’un plan triennal dédié à la réduction des chutes, ces chiffres trouvent un écho particulier chez les fondateurs d’Escensi. « En 2015, ma grand-mère a été victime d’une chute alors qu’elle portait un détecteur », se souvient Samuel Schneider. Trois ans plus tard, il décide de s’associer à Armand Collier, rencontré sur les bancs de l’université de Bordeaux, pour développer une alternative aux détecteurs employés par les sociétés de téléassistance.
« La plupart des équipements actuels reposent sur un accéléromètre, qui sait détecter une chute lourde, mais ne sera pas efficace en cas de chute molle, quand la personne arrive à se retenir à un meuble ou à freiner sa chute », explique Armand Collier. Hasard du sort, le père de ce dernier a précisément travaillé sur les possibilités de géolocalisation offertes par la technologie radio UWB, ou Ultra Wideband, aujourd’hui popularisées auprès du grand public par les balises connectées d’Apple (AirTag) ou de Samsung (SmartTags). « Nous avons décidé d’appliquer cette technologie au monde médical, pour permettre de déterminer où une personne se situe par rapport au sol en temps réel », résument les deux jeunes entrepreneurs.
Ensemble, ils imaginent un dispositif qui associe un bracelet connecté, une borne murale et un logiciel dédié, pour équiper le domicile des personnes âgées ou la chambre d’un établissement de soin. La partie matérielle est sous-traitée à un bureau d’études de la région de Limoges, tandis que la fabrication proprement dite est assurée près de Périgueux. Baptisé Sunrise, le dispositif est testé dès 2019 dans un EHPAD. « On s’est rendu compte que notre borne pouvait aussi capter la position des résidents dans la salle de bain ou dans le couloir, à proximité de leur chambre, et ça nous a donné l’idée d’aller plus loin que la simple détection de chute, pour avertir par exemple les soignants en cas d’errance », explique Samuel Schneider.
De l’IoT au big data
Entrée chez Bordeaux Technowest avant la crise sanitaire, Escensi commence à nouer des contacts avec des EHPAD et des établissements hospitaliers afin de mener les indispensables expérimentations nécessaires à la validation de son modèle, quand le Covid met un coup d’arrêt à ses activités.
Fin 2021, la startup est recontactée par le Dr Jérémy Saget, médecin de vol parabolique devenu coordinateur d’un établissement de soins de suite et de rééducation en Corse. « Il était intéressé par la détection de chutes, mais aussi par la possibilité d’avoir des informations sur l’activité physique de la personne, puisqu’on sait que cette activité physique est l’un des meilleurs facteur de prévention », raconte Armand Collier.
Plus que le développement du bracelet, c’est bien par cette dimension remontée d’information qu’Escensi ambitionne de créer de la valeur. « On peut par exemple associer le bracelet à un profil qui prend en compte les facteurs de risque, pour affiner la précision des alertes, intégrer des traitements médicamenteux ou faire remonter des informations telles que le temps passé au lit ou le temps passé seul », illustre Samuel Schneider. La startup, qui travaille à la création d’algorithmes de prévention, imagine dans le même temps des applications destinées cette fois au personnel soignant, pour améliorer l’efficacité de la prise de décision et donc limiter le temps perdu en interventions évitables.
Reste à délimiter, valider et tester ces applications potentielles, raison pour laquelle Escensi cherche aujourd’hui à lancer une expérimentation auprès de six établissements spécialisés. La startup compte également sur cette phase de test pour étudier les débouchés « big data » de son modèle. « Un médecin qui accède à nos données va pouvoir croiser des signaux faibles, et en tirer des conclusions qui dépassent le cas particulier pour servir la recherche », estime Armand Collier. La société, qui réunit aujourd’hui quatre permanents, indique être en mesure de commercialiser ses premières offres d’ici la fin de l’année. Elle finalise en parallèle une levée de fonds de 400.000 euros, réalisée auprès de Bpifrance, de la région Nouvelle-Aquitaine, d’Airbus Développement et d’un business angel passé par le groupe Siemens.
Escensi
Fondée en 2018
Hébergée chez Bordeaux Technowest (La Source)
CA : n.c.
4 collaborateurs