Pour les Girondins de Bordeaux, « la vraie bascule se fera en revenant en Ligue 2 » - Premium

Restructurer le club a imposé de passer de 90 à 10 personnes. Aviez-vous mesuré tout ce que cet épisode impliquerait pour vous, à votre arrivée en tant que directeur général des Girondins de Bordeaux, en novembre dernier ?J’arrive juste après la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l’emploi, c’était une des conditions de ma venue, car je voulais m’inscrire dans l’après et pouvoir dire que c’est une nouvelle page. J’ai mené un PSE à Caen, lors de la rétrogradation en Ligue 2, ça crée de la tension, potentiellement de la défiance. Il faut désamorcer tout ça. Aux Girondins, le traumatisme était tellement important, je ne pouvais pas commencer en étant marqué par ça. J’ai pu arriver avec beaucoup d’enthousiasme, sans me poser la question du propriétaire (ndlr : Gérard Lopez) et de sa réputation.Dans le rétro - Girondins de Bordeaux : le club va abandonner son statut professionnelEn 2023/2024, les Girondins de Bordeaux n’avaient pas su transformer leur modèle, gardant un schéma « Ligue 1 ». Vous avez dû pivoter vers un modèle d’économie de club de National 2. Comment on opère cette bascule, quasi instantanément ?Le redressement nous oblige à ça et nous en donne aussi les moyens. Il y a tellement de choses qui sont surdimensionnées que la meilleure décision a été de raser quasiment tout ce qui avait été fait. Presque tous les contrats ont été résiliés, quitte à en passer de nouveau. Pour repartir d’une feuille blanche, avec très peu de salariés on voit ce qu’on peut faire en interne, sinon on externalise. J’ai la confiance du propriétaire, je mets en place ce que je veux. Ce n’est pas une transformation, c’est une recréation, pour grandir rapidement. Donc aujourd’hui nous sommes en National 2, mais on ressemble déjà à un club de Ligue 2, où on veut remonter le plus tôt possible. Et on a des infrastructures de Ligue 1, avec un fonctionnement dimensionné pour retrouver le monde professionnel. On se donne un horizon de trois ou quatre ans pour y arriver.Aujourd’hui, le modèle économique des clubs de foot ne permet plus de faire comme par le passé. Économiquement, National 2 ou 1, c’est un modèle assez déficitaire, car on n’a pas les droits télé ni les revenus liés aux transferts de joueurs. Si on veut être ambitieux, ça impliquera de légère pertes, sans commune mesure avec ce qu’on avait avant, qui seront supportables par l’actionnaire. Le modèle bascule quand on retrouve le monde professionnel. On peut rouvrir un centre de formation, à partir de quoi on peut créer des actifs par de jeunes joueurs.Repartir sur des bases sainesFace à cette ambition se dressent quantité d’incertitudes : sportive bien sûr, financière avec le plan de redressement et le passage devant la DNCG, de gérance, à savoir si Gérard Lopez restera seul, avec un partenaire ou vendra. Et même d’environnement avec la question du stade. Comment on décide au milieu de tout ce brouillard, comment on mobilise ses équipes ?Je donne un cap, c’est de retrouver le plus rapidement le monde professionnel. Donc club amateur ou pas, on fonctionne comme un club pro. Et le décalage entre ce qu’on vit au quotidien et le week-end à affronter des clubs de National 2, ça fait ressentir que notre place n’est pas là et ça maintient les équipes dans l’énergie d’avancer et de s’en sortir. Et ça permet de recréer une forme d’unité. On n’est pas dispersé dans toutes les actions RSE que le club menait auparavant, l’essentiel ça doit être le terrain. On est revenu aux fondamentaux, après on se posera les questions de notre rayonnement territorial.Dans le rétro - Quel club des Girondins de Bordeaux pour cette saison ? Gérard Lopez se dit prêt à acquérir le stade. Ça changerait quoi, dans la reconstruction du club ?C’est un actif supplémentaire pour le club. Là-dessus, il y a une vraie réflexion, avec différents modèles. Rachat du stade, exploitation par le club sans rachat ou, troisième option, on est juste client pour jouer nos matchs. L’un des deux premiers modèles, on devrait y arriver avec le temps, c’est l’une des conditions d’un club moderne. Et réciproquement, un stade sans son club aura du mal à attirer d’autres activités, comme des séminaires. Je pense que la marque Girondins de Bordeaux sera plus impactante qu’un exploitant lambda.TV7 a investi en début de saison pour permettre une couverture médiatique supérieure à ce qu’une télé locale consacre habituellement à un club de National 2. Ça représente quoi, dans le projet de reconstruction du club ?Ça en fait pleinement partie. Je regarde parfois d’autres matchs sur FFT TV, il y a 800 personnes connectés. Nos matchs sur TV7, c’est 7.000 téléspectateurs je crois, partout dans le monde. Ça conforte le rayonnement qu’on a et de sentir que la communauté Girondins de Bordeaux et le club sont toujours en vie.L'équipe administrative resserrée du FCGB s'est repliée au 1er étage de l'emblématique château dans le domaine du Haillan. Crédit : DMVous dites vouloir reconnecter le club avec le tissu local. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?Le tissu économique a été délaissé par le club ces dernières années. Par exemple, nos prestataires pour travailler dans le stade ou lors de nos événements, ne doivent être que des entreprises locales. On doit davantage se reconnecter aux marques des sponsors. Notre club business, le Réseau de Bordeaux, compte soixante membres. Il y en a eu jusqu'à 200. On ne peut que grandir. On veut redevenir un symbole de Bordeaux.Quels arguments apportez-vous aux entreprises locales pour être sponsor ?Au-delà des paroles, on pose des actes. Je comprends que les paroles puissent être difficiles à entendre car il y a un certain passif. Maintenant, on doit prouver par des actions. On ouvre les portes du club aux partenaires, on propose des rendez-vous ou des rencontres avec le staff. On est aussi en train de mettre en place une réflexion sur une poche d'actionnaires locaux. Certes, on propose moins d'actions qu'auparavant car pour le moment on est dans l'urgence mais nous tenons à conserver et développer un lien. Régulièrement, le mercredi, un joueur se rend dans un club local pour rencontrer les jeunes. Même en Nationale 2, les Girondins restent un symbole.À lire également - Autour des Girondins de Bordeaux, on fait des affaires Quels sont les arguments pour aller rechercher les entreprises qui ont quitté le soutien au club ?Il n'existe pas meilleur argument que le bouche-à-oreille. Les gens se rendent compte que le club a changé et beaucoup veulent ressentir l'osmose de faire partie d'une aventure collective. Nous nous appuyons beaucoup sur Arnaud de Carli. Vice-président du FCGB et très implanté localement, il joue un rôle majeur. Autrefois, les joueurs ne venaient pas forcément rencontrer les partenaires après le match, il y avait une certaine distance. On avait une image du club éloigné des gens, voire arrogant après les grands moments de gloire. Sauf que le football reste un sport populaire et qui continue, malgré tout, à véhiculer les valeurs du sport, donc d'une gestion saine.« Nous avons envie de retrouver notre place dans l'émotion du sport girondin »Vous prônez un modèle de fonctionnement basé sur « l'humilité et la simplicité ». Avec 50 millions d'euros de dette, voire davantage, comment est-ce conciliable ?Pour moi, « humilité » signifie ne pas retomber dans les travers du foot business. Le plan de continuation va nous permettre d'épurer la situation financière pour retrouver un modèle à l'équilibre. Et « simplicité » , pour moi, c'est vivre des émotions ensemble. Or, il faut bien reconnaître qu'aujourd'hui à Bordeaux, l'émotion est engendrée par les Boxers (le club de hockey) ou par l'UBB mais il y a de la place pour tous. Nous avons envie de retrouver notre place dans l'émotion du sport girondin.Les émotions des moments difficiles soudent-elles aussi la communauté du football ?Oui, elles soudent même les dirigeants. Elles permettent aussi de se rendre compte que les choses sont fragiles et qu'il faut être humble car dans le sport, la somme des mauvaises petites actions peut nous amener dans le mur. Ensemble, nous vivons ces émotions négatives et positives, c'est cela qui nous réunit.Dans le rétro - « L’heure viendra de la remontada » (Pierre Hurmic)Honnêtement, au-delà du challenge professionnel, qu'est-ce qui vous a poussé à vous embarquer dans cette galère ?Plusieurs raisons ont été concomitantes. Les Girondins de Bordeaux ont toujours représenté un grand club et j'ai rêvé d'y travailler. Et j’ai grandi à 300 mètres du stade de Caen. Avec John William [ndlr, directeur sportif des Girondins] et Bruno Irles [entraîneur des Girondins], dont j’étais déjà proche, nous voulions vivre une aventure collective. J'avoue que le premier jour où j'ai pris mes fonctions, j'ai eu peur, je me suis demandé ce que je faisais là mais très vite, j'ai eu envie de vivre ce challenge. Même dans la difficulté, on vit de très beaux moments dans une carrière. C'est stimulant et cela permet de se réinventer.Qu'avez-vous appris au cours de ces mois aux Girondins ?J'ai beaucoup appris sur le management. J'ai l'impression que l'on a remis les salariés sur le chemin de l'optimisme. Enfin, je crois…Interview : Gaëlle Richard & David Morel

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