Vi-Tic : le numérique se distille dans la vigne - Premium

200 professionnels du monde du vin étaient attendus au château Luchey-Halde le 28 juin dernier, pour la première édition d’un nouvel événement, Vi-Tic, destiné à mettre en avant les solutions innovantes dédiées au monde viticole. Porté par le Digilab de Bordeaux Sciences Agro, avec le concours du Vinopole Bordeaux Aquitaine, du pôle de compétitivité Agri Sud-Ouest Innovation, du cluster Inno’Vin et de l’UMT Seven, l’événement prenait volontairement ses distances avec le modèle du salon à vocation commerciale, en associant les stands des startups exposantes à des points d’échange animés par des intervenants scientifiques ou techniques issus des différentes structures partenaires. « L’idée est de faire connaître les offres et les acteurs du numérique à des professionnels du vin qui ne les identifient pas forcément, mais en offrant des regards croisés », explique Nathalie Toulon, organisatrice du salon au sein de Bordeaux Sciences Agro. Si certains exploitants réputés ont déjà largement intégré les possibilités offertes par le numérique dans leur culture de la vigne ou leur production de vin, d’autres se révèlent moins enclins à modifier leurs habitudes, d’où cette volonté de ne pas simplement montrer, mais aussi expliquer. « Il y a parfois une forme de méfiance, qui n’a rien d’anormal, les viticulteurs ont besoin de pouvoir évaluer la réelle valeur ajoutée avant de franchir le pas », estime Nathalie Toulon. Dans le vignoble bordelais, l’acculturation numérique se fait à petits pas, mais elle se fait, à un rythme porté à la fois par la maturité technique des solutions et par la perception du retour sur investissement associé. « Les sujets liés aux stations météo ou à la cartographie sont déjà stabilisés. D’autres volets comme la détection des maladies ou les prévisions de rendement sont encore en phase de développement », ajoute la cheffe de projet.Des vignes et des octetsPoint commun entre toutes ces solutions : une volonté de capitaliser toujours plus largement sur la donnée, en profitant à la fois des innovations technologiques en matière de capteurs, du développement des algorithmes prédictifs et de l’accès à de nouvelles sources d’information. Beaucoup choisissent la voie des airs, avec une alliance de plus en plus poussée entre imagerie de précision et intelligence artificielle, pour offrir aux viticulteurs une vision précise de l’état de leur vignoble et des actions à y conduire tout au long de l’année. « À partir de prises de vue aériennes, nous donnons accès à des cartes complètes grâce auxquelles l’exploitant va pouvoir mettre en place une fertilisation différenciée selon les parcelles, avec une application mobile pour le suivi sur le terrain », illustre Sara Andrien, consultante en analyse de données viticoles pour Fruition Sciences. Une alternative à la console GPS du tracteur, moins répandue dans le vin qu’en agriculture intensive, et une proposition de valeur qui fait mouche, dans un contexte de réduction des intrants. « Catégoriser les parcelles sert aussi pour les vendanges, de façon à garantir une qualité de raisin homogène », remarque Stéphanie Agier, consultante pour le groupe ICV.D’autres choisissent de travailler au niveau du sol. Alcom Technologies, présentait par exemple à Vi-Tic son système Sentinelle : un réseau de stations météo, installées à raison de cinq unités à l’hectare, qui ajoutent aux classiques mesures de température et d’hygrométrie des paramètres telles que l’hygrométrie du sol ou l’humectation foliaire, de façon à prévenir les départs de maladie jusqu’à 7 jours en avance. Plutôt que de mailler l’ensemble du vignoble, la startup albigeoise Devines / 3D Aerospace a fait le choix de développer eHermes, un boîtier doté de sept caméras, d’une antenne GNSS et d’un ensemble de capteurs. Muni d’une batterie autorisant une journée d’autonomie, il est à poser sur une voiture, une remorque ou un enjambeur, pour effectuer des relevés tout au long du travail de la vigne. « Le boîtier capture des images toute la journée. Elles sont ensuite envoyées dans le cloud et analysées par des algorithmes pour détecter les pieds manquants et faire du comptage de grappe. On peut ainsi prédire le rendement avec précision », explique Benjamin Kawak, son CEO, qui développe également des modèles prédictifs dédiés à la prévention des maladies ou à la mesure de la canopée, et revendique une précision nettement supérieure à ce qu’autorisent des images aériennes. « Le champ de vision est beaucoup plus proche, et les passages répétés permettent de diminuer significativement le taux d’erreur, d’autant qu’on va paramétrer l’algorithme en fonction de la parcelle, du cépage et du type de sol », estime-t-il. La solution, présentée fin 2021 au Sitev, aurait déjà suscité 400 demandes, avec un prix public affiché à 1000 euros par an pour la location du eHermes, puis 25 euros par hectare et par service sélectionné. Dans un Bordelais marqué par plusieurs années de gel, de maladies et d’épisodes de grêle, le prix se révèle souvent le principal frein aux velléités d’expérimentations, surtout pour les viticulteurs qui n’ont pas l’aura et la surface financière des grands industriels ou des domaines les plus prestigieux. « C’est difficile d’investir en temps de crise, mais la promesse est bien réelle. Segmenter sa production est par exemple un bon moyen d’intéresser le négoce avec des produits mieux faits, qui seront donc mieux valorisés », fait remarquer Stéphanie Agier.

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