Ces brasseurs qui ont choisi des méthodes différentes pour se démarquer - Premium

Le secteur de la bière a le vent en poupe depuis une dizaine d’années, à tel point qu’il se crée des brasseries indépendantes un peu partout en France. En Charente-Maritime, elles étaient une dizaine en 2015 et sont 40 aujourd’hui, un chiffre multiplié par 4. Au niveau national, il existait 700 brasseries, aujourd’hui 2500 sont référencées, d’après les chiffres du syndicat national des brasseurs indépendants (SNBI). Se démarquer devient essentiel pour contrer la concurrence et rester attractif. Pour cela, chacun sa méthode. Rencontre avec Christophe et Maria Gauthier, brasseurs de la Beun’aise, qui ont choisi d’investir pour développer leur activité et Romuald Tarnieret brasseur de La hutte enchantée qui, au contraire, mutualise les coûts et privilégie une petite production. La Beun’aise vise l’équilibre en 2024Après 15 ans dans le milieu de la presse informatique, Christophe Gauthier se lance à son compte aux côtés de sa femme Maria Gauthier dans la création d’une brasserie à Aytré. En 2015, ils déposent la marque La Beun’aise qui signifie « être bien à l’aise » en patois charentais. Rapidement, ils ambitionnent de faire grandir l’entreprise. Ils réalisent un investissement initial de 10.000 euros comprenant travaux, mise en place, achats de matériel et un véhicule. Trois ans plus tard, ils investissent dans l’automatisation, avec une machine pour la mise en bouteille et l’achat d’une étiqueteuse, environ 40.000 euros. Puis en 2022, ils prévoient une « grosse rénovation » et modifient le système de brassage pour doubler la capacité de production, environ 200.000 euros. Ils achètent 4 cuves de 1.000 litres et 1 cuve de 2.000 litres. Ils réalisent également quelques travaux du sol et du plafond et louent un local accolé à l’atelier pour y créer une boutique. « Et puis la guerre en Ukraine, l’inflation : le contexte est compliqué, assure Christophe Gauthier, on a fait un investissement en confort d’utilisation, on était à flux tendu, maintenant on a de la ressource ». Aujourd’hui la brasserie produit 35.000 litres de bières par an, soit 50.000 bouteilles (1/5 en 75 cl, 4/5 en 33cl) et 600 futs. « On a la capacité de faire 2 à 3 fois plus, mais pour ça il faut de la demande » ajoute-t-il. Avec un chiffre d’affaires de 100.000 euros en 2023, le couple espère être à l’équilibre en 2024. « De date à date entre l’année dernière et cette année, on est à 80% » explique la dirigeante avant d’ajouter « la bière c’est un petit plaisir, naturellement c’est la première chose qu’on sacrifie ».Christophe et Maria Gauthier produisent 20 références de bières à la Beun'aise. Crédit photo : CL La Beun'aise : 70% de professionnels et 30% en direct La vingtaine de références produites à la Beun’aise est vendue dans la boutique de la brasserie, mais également dans les épiceries, restaurants et cavistes de la région rochelaise, environ 70% de leur chiffre d’affaires. « Pas de grande surface, c’est un choix de notre part pour conserver notre lien avec les commerçants », assure le brasseur. Le couple se déplace également dans des marchés tout au long de l’année avec leur camionnette ce qui représente 30% de leur chiffre d’affaires. Pourtant, « c’est la vente en directe qui rapporte le plus car elle offre plus de marge ». Et pour avoir « cette bouffée d’oxygène », depuis le mois d’avril, la marque de bière trouve sa place dans une boutique de 12m² située au Gabut, tenue par Maria Gauthier, sa femme. Elle y vend 12 références du mardi au dimanche après-midi. « Ce n’est pas un gros risque, car c’est un bail précaire. C'est un point de vente seulement, pas de service. Pour autant, ça nous fait de la visibilité dans l’hypercentre de La Rochelle ».Le métier de brasseur a conquis le cœur des français depuis une dizaine d'années. Crédit photo : AdobeLa Hutte enchantée : 70% en direct et 30% de professionnels Romuald Tarnieret a créé la Hutte enchantée en mai 2021, après une reconversion professionnelle et une appétence évidente pour la bière. Il a investi 15.000 euros au départ et a rajouté 12.000 euros en cours de route. Sa brasserie est située à Sainte-Soulle, dans la banlieue rochelaise, « un lieu qui s'est imposé de lui-même, vu les prix du centre-ville de La Rochelle et de la première couronne » révèle le brasseur. Pourtant, pas évident de se faire connaître quand on est excentré. Pour ça, Romuald Tarnieret compte sur la relation client. Il réalise 70% de ses ventes en direct, lors de marchés, buvettes et dans sa boutique et 30% en passant par les professionnels, restaurants et épiceries fines. Lui aussi a choisi de ne pas travailler avec les grandes surfaces « une volonté éthique » de sa part. Un choix assumé qui lui vaut de travailler 7 jours sur7.La Hutte enchantée préfère la coloc Romuald Tarnieret réalise une production de 25.000 bouteilles et 200 futs par an qu'il réalise avec trois fermenteurs de 300 litres chacun. Il propose 6 références à laquelle une nouvelle viendra s’ajouter cet été. La Hutte enchantée est en croissance depuis trois ans. La société a réalisé 25.000 euros de chiffre d’affaires la première année, 50.000 euros la deuxième et vise 70.000 en 2024. Un accroissement qui s’explique par le choix de son business plan : la mutualisation. Il partage ses locaux avec un autre brasseur, « entre la hausse des prix de l’énergie et celle de l’inflation, la coloc nous a sauvé », assure le brasseur. Cette colocation, il la fait avec la marque Binouz du barbu qui propose 6 références. Ils partagent les locaux et le loyer d’un bail précaire de 1.000 euros/ mois ainsi que les cuves de fabrication ce qui « n’enlève rien à la qualité du produit ». Mais pas seulement, les deux professionnels s’entraident et pour Romuald Tarnieret il s’agissait « d’une opportunité » en se lançant dans le métier. « Si j’avais dû payer seul les charges, j’y aurais réfléchi à deux fois avant de monter ma société. C’est très représentatif d’une réalité économique », conclut le brasseur.

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