Octime : « Si on ne se penche pas sur l’IA, dans 10 ans on sera dépassés » - Premium

Intarissable sur le sujet, Kévin Sahki commence par recontextualiser : « L’Intelligence Artificielle est un vaste domaine. C’est vrai qu’on en parle beaucoup depuis deux ans avec l’IA générative Chat GPT. Mais c’est un vieux sujet. On peut remonter aux années 1960. L’IA moderne – le « machine learning » – s’est accélérée avec notamment la baisse du coût du matériel, donc de la puissance informatique, et la disponibilité de la data liée à l’explosion d’Internet. Et dans la grande famille des IA, on a des algorithmes qui permettent notamment de modéliser la donnée. Le machine learning, c’est la capacité pour la machine d’apprendre, de manière plus ou moins automatique, pour pouvoir simuler des décisions, des prédictions, des prescriptions basées sur cet apprentissage de la donnée. »La promesse est d’affiner les procédés et de gagner en efficacité : « Chez Octime, on gère du planning et de la planification de ressources humaines, en fonction d’une réglementation, d’une organisation de l’entreprise, retrace Kévin Sahki. Et tout ce qui tourne autour du contrôle de présence : la personne est-elle à l’heure ou pas ? L’entreprise respecte-t-elle bien les horaires de ses employés ? Un certain nombre d’algorithmes permettent d’analyser la donnée pour expliquer l’absentéisme par exemple. Ou prédire qu’il va y avoir des absences dans tel service. Ce champ d’IA existe depuis longtemps et ne fait que se développer ces dix dernières années. » Mais cela reste encore au stade expérimental.À lire également - Comment le groupe Octime internalise un important volet de formation pour ses salariés « On a un peu plus de 3.600 clients en France, 7.000 à l’international, poursuit le directeur. Environ la moitié sont hébergés dans nos data centers, cela représente déjà une connaissance de data non exploitée, car ce sont les données de nos clients. Avec le respect de la sécurité, et le RGPD, nous n’accédons pas aux données, en dehors de leur traitement technique, qu’il s’agisse de les héberger, les stocker, ou les sauvegarder. Mais à un moment, on va pouvoir proposer aux clients des cas d’usage qui vont les intéresser : nous pensons qu’en anonymisant cette donnée, ils vont accepter que nous nous en servions pour enrichir nos produits. Les absences, les natures d’absence, la manière dont sont organisés les cycles, les horaires selon les secteurs d’activité, etc. » En phase d’expérimentation Quelques clients d’Octime ont déjà accordé l’accès à un historique de leurs données sur dix ans, ce qui a permis de valider les hypothèses. Le POC [proof of concept] démontre que l’on peut expliquer l’absentéisme au sein d’une entreprise, le prédire, et affiner la planification. « Cela va permettre à un DRH de voir comment sa politique salariale a un impact sur l’absentéisme des ses collaborateurs, plaide Kévin Sahki. Pourquoi par exemple avec tel type de cycles horaires il y a plus d’absentéisme, sur telle population et tel métier. Et par extension, le machine learning permet de prédire – avec 3 % d’erreur – l’absence au sein d’un service. »Pas question de « flicage » pour autant, ni de déshumaniser entièrement le processus. « Il ne faut pas imaginer que demain la machine va planifier le temps de travail sans intervention, tient à souligner le manager. Elle va pouvoir prescrire, vous dire : pour telle anomalie, par le passé, le manager a géré à 90% de telle façon. Mais c’est quand même l’humain qui va décider à la fin. » Plus globalement chez Octime, tous les services sont invités à plancher sur l’IA. « On a créé un groupe de travail il y a un peu plus de deux ans, avec une personne par direction métier, révèle le responsable. RH, finances, développement, infrastructures, support clients, chefs de projets, commerce, marketing et communication, et une équipe en transversal pour nos filiales. On a fait de la vulgarisation autour de l’IA générative, sur ses forces, ses faiblesses, ses opportunités, ses risques. »À lire également - Comment Teréga utilise l'IA pour optimiser ses process À raison d’une fois par mois, une table ronde d’environ trois heures réunit ainsi les différentes directions, afin d’imaginer des cas d’usage dans leurs métiers. « Au début, il y a eu beaucoup de craintes, rapporte le directeur. Des salariés se sont demandé : “Est-ce que mon métier va disparaître ?” Mais si le projet vise à automatiser un certain nombre de tâches, il ne s’agit pas de supprimer des postes. On veut assurer la montée en compétence des collaborateurs », affirme-t-il. D’autant plus en période de croissance continue de l’entreprise, où les besoins de recrutement restent forts. Exemples concrets de cas d’usage de l’IA : en interne, pour automatiser l’ensemble des publications sur les réseaux sociaux en fonction d’un agenda événementiel. « J’utilise l’IA pour aller chercher le contenu, lire mes infographies, créer mes textes, mes mots-clés, le faire optimiser pour les moteurs de recherche, etc., détaille Kévin Sahki. Et c’est valable pour tous les métiers. Aujourd’hui, la première chose à faire pour une entreprise qui veut toucher du doigt l’IA au service de ses métiers, c’est de faire la même chose que Chat GPT mais en interne. En développement, on utilise aussi cette partie interne de GPT pour générer du code : nos développeurs font appel à l’IA. Ça va plus vite, ça peut trouver des bugs dans son code là où l’humain va mettre plus de temps. » « Cette tâche laborieuse pourra être automatisée » Idem au service finance, où l’utilisation de l’IA laisse présager des bouleversements. Vérifier les devis et les factures n’incombera plus au contrôleur de gestion : « Cette tâche laborieuse pourra être automatisée. L’humain pourra se concentrer sur la création de valeur », prédit le directeur.À lire également - Comment BS Digital veut imposer ses « AMI » dans l'expertise comptable Au sein des fonctions support, l’utilisation de l’intelligence artificielle s’avère également prometteuse. « Car on peut imaginer une IA générative qui guide l’utilisateur dans l’usage au quotidien, se projette le directeur de l’innovation. Traditionnellement, on forme une personne, il y a une aide en ligne pour apprendre comment fonctionne tel logiciel, et on a bien sûr le support Octime pour appeler si on a une question sur l’utilisation du produit. Demain, l’idée est de créer un assistant applicatif, qui, sur la base de tout l’historique des demandes et réponses fournies par notre service client aux utilisateurs, réponde de façon tout à fait pertinente à votre problématique. » Un robot multilingue, également capable de faire reformuler ou préciser la question, d’y répondre, et de proposer d’autres questions similaires pour aller plus loin, puis de sortir la documentation. « C’est un outil qui est fonctionnel en interne, mais pas encore dans nos produits, précise Kévin Sahki. Notre service innovation veille sur toute la technologie émergente, de manière à voir en quoi elle peut être une opportunité, un risque pour notre activité. Donc, on mature des projets, on fait des POC, des maquettes, des premiers pilotes avant de retrouver un processus plus classique de produits et de développement. » L’IA vient donc pousser les équipes à s’adapter en continu aux évolutions technologiques qui s’accélèrent. « La DRH anticipe sur les changements sociétaux en lien avec l’IA, rapporte enfin le responsable. Les fiches de poste, la manière de recruter, les compétences qu’elle recherche, les plans de formation. Il y a les questions éthiques aussi, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : on n’est pas juste une boîte technique. La technologie est toujours au service de quelque chose, ça doit se faire dans un cadre. »Et de se réjouir de l’European AI Act, voté fin 2023 et adopté début 2024 en France : « En tant qu’acteur RH, on fait partie d’une catégorie où l’on va se voir imposer – et c’est tout à fait normal – un certain nombre de règles à respecter. Parce qu’il ne s’agit pas que demain par exemple nos outils planifient automatiquement les gens sans intervention humaine. »« L’IA est une révolution similaire à l’arrivée d’internet dans les années 1980 en termes d’adoption, conclut Kévin Sahki. Si on ne se penche pas sur la question de l’IA maintenant dans notre domaine, dans dix ans on sera dépassés. L’opportunité pour une entreprise, c’est sa compétitivité de demain. »

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