Ïkos ouvre son capital pour boucler son plan de financement - Premium

Pour le collectif Ïkos, l’année 2024 sera sans doute celle de la dernière ligne droite… et de la dernière chance. Objectif : boucler le plan de financement et déposer la demande de permis de construire, pour que les travaux démarrent en 2025, avec une livraison prévue entre 2026 et 2027. « Si on n’y arrive pas, je ne donne pas cher de notre peau, commente Marion Besse, directrice d’Ïkos. Nos partenaires ont des fins de baux qui arrivent à ce moment, ils auront besoin de locaux, donc nous n’avons pas d’autres options. » Si le calendrier exige une certaine urgence, le collectif qui porte ce projet de village du réemploi à Bordeaux, croit en son aboutissement. Quitte à le revoir à la baisse en matière de superficie, passant l’année dernière de 15.000 à 12.800 m² pour réduire la facture. « Finalement, le retard pris sur le projet aura peut-être comme avantage de nous faire passer la crise, notamment avec la baisse des taux dont on entend parler, imagine Marion Besse. Idem pour la baisse des coûts de construction, même s’il est trop tôt pour le savoir. »Ïkos, c’est quoi ? Sur un terrain de 2,5 hectares situé à Bordeaux nord, le village Ïkos se pense en centre commercial de la seconde main. Aux manettes, cinq acteurs rassemblés depuis 2017 : Le Relais, l’Atelier d’éco solidaire, le Livre Vert, les Compagnons bâtisseurs de Nouvelle-Aquitaine, et le Réseau de réemploi R3 de collecte des encombrants. En 2020, ils ont été rejoints par quatre autres structures : Envie Gironde, la Recyclerie Sportive, Échange Nord Sud, et Replay!. Une centaine d’emplois devraient être créés, pour 12 tonnes d’objets revalorisés chaque année.Un besoin de 7M€ de subventions Avant de se projeter, il y a encore quelques millions d’euros à trouver. Le coût total du dossier s’élève à 18,5 millions d’euros, et Ïkos s’appuie sur trois leviers pour sortir de terre. D’abord, les subventions : 2,5 millions d’euros de la Région Nouvelle-Aquitaine dont une partie liée au Feder (fond européen de développement régional), 1,5 million d’euros de Bordeaux Métropole, et plus récemment 2 millions d’euros de l’Etat via l’Ademe. Cette aide bienvenue était d’abord annoncée le 27 janvier 2023 lors de la visite de deux secrétaires d’Etat (Marlène Schiappa à l'Économie sociale et solidaire et la vie associative ; et Bérangère Couillard à l’Écologie)... avant que l’Etat et l’Ademe ne se désengagent. Finalement, en décembre 2023, Ïkos a eu la confirmation de ce soutien substantiel. « Mais le nouveau plan de financement nécessite que l’on trouve un million d’euros de subventions supplémentaires », précise Marion Besse. Qui espère, prudente, que cette somme émane de la Région, de la Métropole et de la Ville de Bordeaux pour un tiers chacune. « Au départ, la Ville ne prévoyait pas forcément d’intervenir financièrement, car elle intervenait déjà sur la garantie des prêts, ce qui est indispensable pour nous », souligne-t-elle. Les collectivités sont aujourd’hui en discussion pour valider ou non cette rallonge. « Si c’est validé, on aura bouclé le volet subvention, et ce sera une grande étape de franchie », veut croire notre interlocutrice.1,3M€ recherchés auprès de fonds solidaires Autre avancée marquante pour le collectif, en 2023 : l’arrivée de Bordeaux Métropole Aménagement (BMA), qui travaille aux côtés d’Ïkos en tant qu’assistant à maîtrise d’ouvrage. « Ce sont des professionnels de l’aménagement et de l’immobilier », se réjouit Marion Besse. Qui aborde dans la foulée le second volet de financement : l’entrée au capital d’acteurs économiques. BMA va ainsi soumettre à ses instances délibératives la possibilité d’entrer au capital de la foncière, pour un montant prévisionnel d’un million d’euros ; tout comme la Caisse des Dépôts, pour la même somme. Restera ensuite à trouver 2 millions d’euros. 700.000 euros qu’Ïkos essaye de réunir avec les neuf acteurs parties prenantes, et 1,3 million via une levée de fonds classique. « On flèche des fonds solidaires, car on a des conditions de rémunération qui sont faibles. C’est un projet sur le fil, et c’est vraiment une péréquation à toutes les échelles qui fait que ça passe. On est sur un capital patient, on ne promet pas de retour sur investissement rapide », développe Marion Besse. Et d’ajouter : « Après, on finance un projet immobilier avec une certaine valeur, donc il y a moins de risques que sur un projet d’exploitation, où l’on ne sait pas si le business sera au rendez-vous. » Ces deux leviers, qui portent les fonds d’Ïkos à 11 millions d’euros, permettront (normalement) de débloquer le troisième : la dette bancaire. Le collectif doit passer devant les instances délibératives de la Caisse des Dépôts, pour un prêt de 75% de cette somme, « le maximum qu’ils peuvent faire ». « Ce serait très intéressant pour nous, car les taux sont plafonnés sur une durée plus longue que ce que les banques peuvent octroyer », note Marion Besse. Qui espère boucler cette dernière étape au deuxième semestre 2024. Et le crowdfunding, est-ce une option ? « On me questionne souvent à ce sujet. Je préfère le garder pour financer le tiers-lieu et ses besoins d’exploitation, je pense que ce sera plus efficace sur notre cœur d’activité », affirme la directrice. D’autant que cette année, Ïkos, dont les statuts sont associatifs, se transformera en SCIC (société coopérative d’intérêt collectif). « On aura intérêt à ce que les citoyens intègrent le projet », répète notre interlocutrice.À la fin du mois de mars, la boutique solidaire d’Ïkos, dans la Promenade Sainte-Catherine, fermera ses portes. Ouverte en mai 2022, elle aura généré en 2023 un chiffre d’affaires HT de 800.000 euros. Le collectif est aujourd’hui à la recherche d’un nouvel emplacement, avec un cahier des charges un peu contraignant. « Il faut que ce soit en zone commerciale - mais pas forcément dans le centre de Bordeaux -, pour une surface de 500 m². Avec des conditions de loyer qui ne sont pas celles du marché, en échange desquelles nous sommes sur un bail précaire », déroule Marion Besse. Qui rappelle la raison d’être d’Ïkos, la seconde main, ce qui induit des produits vendus à petits prix. « Il faut en vendre beaucoup pour rentabiliser l’activité, et on est toujours sur le fil. On ne pourra jamais être aussi bankable que tout le retail textile ! Mais on constate que les bailleurs évoluent sur le sujet, dans les discussions, ils ont compris qu’un changement est à l'œuvre. On ne peut pas proposer des produits éthiques dans les mêmes conditions que ce qui est fait en fast fashion. » Marion Besse l’affirme d’ailleurs, si le collectif a fait le choix d’une foncière, c’est justement car il n’avait pas le choix. « Au départ, on n’avait pas forcément en tête de gérer ça nous-même. Mais on le fait, car ce qui est proposé en matière d’immobilier est complètement délirant, et rien ne correspond à notre modèle économique. Il faut qu’Ïkos voie le jour, pour montrer qu’on peut faire des projets différents, et qu’il n’y a pas que la rémunération du capital dans la vie. »

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