E-santé : à quoi vont servir les 14M€ investis dans la R&D de Synapse Medicine ? - Premium

Investir 14 millions d’euros dans un programme de R&D, lorsqu'on est une startup bordelaise de la e-santé, n’est pas une initiative qui passe inaperçue. Surtout quand cette annonce concerne la petite dernière des licornes françaises, Mistral AI. C’est ce qu’a constaté Synapse Medicine il y a dix jours, faisant ainsi l’objet de plusieurs relais médiatiques. Fondée en 2017, la startup ambitionne, depuis sept ans, de révolutionner la prescription de médicaments et d’éviter quelque 30.000 décès et 150.000 hospitalisations chaque année en France, à cause d’un mauvais usage de produits pharmaceutiques. Alors, à quoi serviront ces millions ? Au-delà de l’effet d’annonce, quelle stratégie porte Synapse Medicine ?Pour saisir tous les enjeux, il faut d’abord remonter deux années plutôt, en 2022. La société annonce lever 25 millions d’euros, et réalise discrètement, dans la foulée, une opération de croissance externe. « Nous avons acquis Thériaque [ndlr, une banque de données des médicaments disponibles en France], qui est le concurrent de Vidal », se remémore auprès de Placéco Clément Goehrs, cofondateur et dirigeant de Synapse Medicine. Un partenaire de longue date de la startup, fondé en 1981, qui a un parc de clients bien installé et une expertise reconnue. Mais qui s’est retrouvé en difficultés, ou du moins « qui aurait dû injecter énormément de capitaux » pour ne pas l’être. Car comme l’explique notre interlocuteur, « on est dans un secteur qui se complexifie de plus en plus. Cela signifie, pour les acteurs, qu'il faut investir au risque de ne plus être compétitif ». Clément Goehrs insiste : « On a une concentration qui s’opère de plus en plus. Soit vous injectez beaucoup d’argent, soit vous êtes rachetés. »Un programme en cinq ans Synapse Medicine entend donc faire partie de la première catégorie d’entreprises. En injectant 14,33 millions d’euros dans un projet d’intelligence artificielle générative, avec le soutien de l’Etat, car la moitié des fonds provient du plan France 2030 (appel à projets i-Demo). Et le choix de s’appuyer sur l’IA de la pépite française Mistral semblait inévitable, pour des questions de souveraineté française et de sécurisation de la donnée. « Dans le cloud, OVH [ndlr, entreprise également française] n’est pas toujours au niveau, donc nous sommes obligés de passer par un acteur américain - nous comme beaucoup d’autres entreprises. Là, nous avons la chance d’avoir un Français parmi les meilleurs au monde », se réjouit Clément Goehrs. Ce programme sur cinq ans a démarré en janvier dernier, et entend personnaliser autant que possible les ordonnances de chaque patient. « On peut juste intégrer le fait qu’une femme soit enceinte, ou l’on peut préciser qu’elle a 38 ans, tel et tel antécédents de santé, qu’elle consomme des compléments alimentaires », illustre le dirigeant. Et de poursuivre : « Aujourd’hui on peut prescrire les médicaments les plus adaptés, demain on pourra pousser cette prise en charge encore plus loin. Notifier qu’il faut voir un cardiologue deux fois par an, faire une échographie de contrôle, une prise de sang… Autant d’éléments importants pour être en bonne santé. » Mais ne risque-t-on pas ainsi de remplacer les médecins et professionnels de santé ? Aucun risque, selon notre interlocuteur, pour qui un système informatisé, aussi intelligent soit-il, ne sera jamais aussi bon qu’un médecin se trouvant face au patient. « Tout un tas d’informations vont échapper à l’IA, qui n’a pas d’yeux. Notre système est là pour prémâcher un certain nombre d’éléments au médecin, qui in fine est celui qui prend la décision. »Les Etats-Unis... puis le Japon ? Synapse Medicine prévoit d’avancer étape par étape, et mettra un premier module à disposition de ses clients dès octobre prochain. Avant d’en ajouter de nouveaux, deux à trois fois par an, durant les trois prochaines années. « Nous avons une seule typologie de clients - les éditeurs de logiciels, précise Clément Goehrs. Nous en comptons une cinquantaine aujourd’hui, qui revendent ensuite notre solution aux professionnels de santé. C’est-à-dire 300 hôpitaux, soit une dizaine de milliers d’utilisateurs, et un peu moins de 30.000 professionnels de santé indépendants. » Si la startup ne lève pas le voile sur son chiffre d’affaires, « de plusieurs millions d’euros », son dirigeant affirme que les revenus ont été quintuplés depuis 2022, et que l’ambition est de les doubler, voire tripler, jusqu’en 2027. Si la majeure partie du CA provient de France (85%), Synapse Medicine en réalise 15% outre-Atlantique. Après avoir ouvert une filiale américaine, la startup y compte aujourd’hui cinq salariés (90 au global). « La profondeur du marché américain est importante, et dans notre prévisionnel, nous estimons être à 50/50 de chiffre d’affaires d’ici 18 mois », esquisse le CEO. Et de préciser qu’une nouvelle levée de fonds pourrait avoir lieu l’année prochaine, justement pour soutenir le développement du marché américain. Ensuite viendra le continent asiatique, Japon en tête, sur lequel Synapse Medicine se questionne encore « pour bien comprendre ce marché ». Avec la possible création d’une joint-venture, pour faciliter l’arrivée en territoire nippon ? « Je pense que c’est ce qu’on finira par faire, concède Clément Goehrs. Mais on séquence les choses, d’abord nous mettons beaucoup de ressources sur les Etats-Unis. »Synapse Medicine SAS fondée en 2017Siège social à Bordeaux90 salariés (5 aux Etats-Unis)CA : n. c.

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