Santé : pourquoi les établissements privés se mettront en grève dès le 3 juin ?
La Nouvelle-Aquitaine compte 104 établissements de santé privés selon la FHP, et assurent 34% de l'offre de soin régionale. Photo d'illustration : Adobe Stock Sudok1
Suite à l’annonce, par le ministre de la Santé Frédéric Valletoux, de revalorisation des tarifs des hôpitaux publics comme privés, la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) monte au créneau. Dénonçant « une profonde injustice », les professionnels préviennent : ils arrêteront leurs activités dès le 3 juin prochain. Explications.
« Colère », « mépris », « inquiétude »… Pour la FHP, la Fédération de l’hospitalisation privée, la coupe est pleine. Au point d’annoncer un arrêt des soins, dès le 3 juin prochain. En cause : la récente annonce du ministre de la Santé Frédéric Valletoux sur la revalorisation des tarifs des hôpitaux. +4,3% pour les établissements publics, contre +0,3% pour le privé. « C’est-à-dire 14 fois moins », se désole Marie-France Gaucher, présidente de la FHP Nouvelle-Aquitaine. Entourée de directeurs d'instituts privés, de médecins et de représentants des syndicats des médecins spécialistes, elle s’exprime devant un parterre de journalistes, sans dissimuler son énervement. « On fait face à des difficultés inédites pour nos cliniques et nos hôpitaux. Le ministre a dévoilé, et j’insiste sur ce mot, ces augmentations tarifaires par voie de presse. Nous avons découvert cela sans concertation ou dialogue, contrairement à toutes les années précédentes. Cette “revalorisation” est pour nous une profonde injustice. »
En Nouvelle-Aquitaine, 104 structures privées sont aujourd’hui en activité. Et représentent à elles toutes 34% de l’offre de soin régionale, selon Bruno Alfandari, docteur et vice-président de la FHP Nouvelle-Aquitaine. « On compte près de 11.000 lits dans toutes les activités - médecine, cardiologie, néphrologie, chirurgie, déroule-t-il. On traite 1,8 million de patients par an dans tous les domaines de la santé, et en particulier dans toutes les activités d’urgence, ce sont 280.000 patients reçus chaque année sur 14 services. »
L'équité, « pas plus, pas moins »
Là où le bât blesse, c’est que selon la FHP, 90% des ressources des établissements privés proviennent aujourd’hui de l’assurance maladie. Cette annonce de Frédéric Valletoux « porte donc un coup très, très sévère aux hôpitaux et cliniques privés, après plusieurs années d’inflation dont on ne s’est pas remis », insiste Marie-France Gaucher. « Les conséquences d’une telle annonce seront irréparables, argue à son tour Didier Delavaud, administrateur de la FHP Nouvelle-Aquitaine et directeur général Pays de Loire et Nouvelle-Aquitaine de Vivalto Santé. Ces trois dernières années, les cliniques en déficit sont passées de 25 à 40%. Et les prévisions grimpent à 60% sur les années futures. » Et d’ajouter : « Les exemples de cliniques privées en liquidation judiciaire, il y en a. Pour celles en déficit, ce dernier n’est pas compensé contrairement aux hôpitaux publics, dont la compensation arrive via le système d’impôts. »
Conséquence, selon les professionnels : l’offre de soin pourrait être amoindrie, et les patients moins pris en charge, si les structures de santé privées devaient resserrer les cordons de leur trésorerie. « La Nouvelle-Aquitaine est un territoire très grand, et certains établissements sont les seuls à pouvoir exercer certaines activités, illustre Bruno Alfandari. À Pau, la neurochirurgie est assurée par le privé, à Agen, la clinique Esquirol Saint-Hilaire est la seule à assurer la partie cardiologie, à Angoulême, Saint-Joseph est sur la chirurgie du poumon… Ce sont de multiples exemples, et il est important de temps en temps de se rendre compte qu’il n’y a, en Nouvelle-Aquitaine, pas de santé sans le privé. »
Alors, fait inédit, tous se mettent en grève. Ou du moins, annoncent « un arrêt d’activité » dans l’ensemble des établissements. Soit, en Nouvelle-Aquitaine, un débrayage de 3.500 médecins et 14.000 membres du personnel. L’objectif de cette date lointaine : assurer les interventions déjà programmées, et permettre aux patients de s'organiser. Pour que les professionnels puissent, ensuite, faire entendre leurs revendications. « On ne veut pas plus, pas moins que le public. On demande l’équité de traitement », affirme sans détour Marie-France Gaucher. « Comment penser qu’en affaiblissant le privé, on va améliorer le secteur du soin global, alors que le public va mal ? questionne le PDG de GBNA Santé François Guichard, aussi administrateur de la FHP Nouvelle-Aquitaine. Il est hors de question de dégrader la prise en charge médicale du patient. Nous réduirons la taille des services, nous n’aurons plus les possibilités d’adaptation qui faisait notre complémentarité, et les listes d’attente augmenteront. »