Le sel de l'île de Ré face à la concurrence du marché mondial - Premium

« L’île de Ré ne serait plus ce qu’elle est sans ses marais salants, elle perdrait son histoire et une tradition vieille de 1.000 ans », amorce Louis Merlin, artisan du sel depuis 2012. Il existe une centaine de sauniers sur l’île de Ré dont 64 sont adhérents à la coopérative, et deux sont des femmes. Le chiffre demeure faible, dans une profession très masculine qui vise à se féminiser, notamment par l'utilisation d'outils plus légers. Chaque professionnel collecte son sel de façon indépendante et livre sa production à la structure, son client exclusif. Les sauniers sont ensuite rémunérés au poids : 400 euros par tonne de gros sel et 4.000 euros par tonne de fleur de sel. L'entreprise produit une marque unique, celle des Sauniers de l’île de Ré et propose une quarantaine de références. « Elle regroupe notamment des producteurs qui avaient du mal à se faire une place sur le marché », ajoute le professionnel. Louis Merlin est saunier depuis 12 ans sur l'île de Ré. Crédit photo : Coopérative des sauniers de l'île de Ré. 280 millions de tonnes de sel dans le monde De façon globale, « l’ensemble de la profession reste une petite production » note l'artisan. 3.000 tonnes sont produites sur toute la filière de l’île de Ré (1.600 hectares de marais) et 2.500 à la coopérative. « C’est plus que la consommation des Rhétais mais moins que celle de la France ». Chaque année, 200.000 tonnes de sel sont produites pour la consommation alimentaire française, un quart est artisanal. A lire également : le sel de l'île de Ré, une transition vers le label IGP en juilletLa France est un petit producteur au niveau mondial, où 280 millions de tonnes de sel sont produites chaque année. Sur cette part, seulement 20% est dédiée à l’alimentaire. « Une grosse partie est envoyée en industrie pour réaliser du plastique. Le marché du sel est dicté par des impératifs de moindres coûts » explique Boris Zukanovich, directeur de coopérative. Et sur ce marché, l’Asie reste leader. « Il faut sans cesse se réinventer pour se démarquer. Bien sûr qu’on est face à une concurrence, même si on est sur un petit créneau du sel. C’est une stratégie de se regrouper au sein de la coopérative pour mieux mutualiser, le stockage, les coûts etc. » indique Boris Zukanovich. Les grandes surfaces représentent 70% des ventes. Crédit photo : Coopérative des sauniers de l'île de Ré.70% des achats des consommateurs se font en GMS La coopérative exporte dans 6 pays en Europe, pour environ 5% de son chiffre d’affaires. La Charente-Maritime représente un gros pôle de consommation, près d’un tiers des ventes de la coopérative y sont réalisées. Au global, elle a réalisé un chiffre d’affaires de 3 millions d’euros en 2023 : « Une année compliquée lié à la dépendance économique à un client ». Jusqu’à présent, la coopérative réalisait 40% de son chiffre d’affaires avec l’enseigne Lidl, qui s’est moins fournie au sein de la structure cette année-là. « On est revenu à un accord de diversification et les signaux d’alarme ont bien été déclenchés, ça n’arrivera plus ». Les industriels représentent 15 à 20% de ses ventes et les grandes surfaces 70%, ce qui correspond également à la consommation des Français (70% d’achat en GMS). « Il y a également une part non négligeable de BtoB, des sociétés qui sont fières de vendre nos produits. Derrière chaque choix des consommateurs, ou des décideurs, il y a un impact économique pour nous, un impact humain », ajoute le saunier. 95% du chiffre d’affaires est reversé aux adhérents, et 5% couvrent les charges et les amortissements d’outils industriels.Pour produire 1,5 tonne de fleur de sel il faut 5 personnes. Crédit photo : Coopérative des sauniers de l'île de Ré.La fleur de sel : le diamant rhétais Il existe trois types de sel : le sel de mine (de table), le sel marin industriel et le sel marin artisanal. L’industriel est bien moins coûteux que l’artisanal : « Pour produire 1,5 tonne de sel industriel il faut une personne, pour faire la même quantité artisanalement, il faut 5 personnes. C’est pour cela que si on ne met pas en avant la qualité de nos produits et celle de l’humain, on ne peut pas répondre à la compétition » explique le professionnel du sel. Pour cela, les sauniers misent sur la réputation de leur fleur de sel : « Sur le marché international, le sel de l’île de Ré est reconnu comme un produit gourmet. Aux Etats-Unis par exemple il est écrit « fleur de sel » en français comme pour appuyer sa qualité » indique le directeur. La fleur de sel est la mince couche de cristaux blancs qui se forme et affleure la surface des marais salants. La fleur de sel représente 1/10 de la collecte, « On est limité par la production naturelle ». Pour se donner une idée de la rareté du produit, les sauniers ramassent 50 kilos de fleur de sel et 600 à 700 kilos de gros sel par aire-saunant à l’année. La fleur de sel est non réglementée, il n’existe pas de label STG, spécialité traditionnelle garantie, « La STG vise à définir la composition ou le mode de production traditionnel d'un produit en valorisant le savoir-faire qui en est à l'origine. Ce label européen a pour but de protéger une recette traditionnelle », indique le site du ministère de l’Economie et des Finances. « Ce que l’Atlantique nomme fleur de sel n’existe pas ailleurs ». Un diamant blanc que les sauniers souhaitent préserver. A noter que les sauniers de l’île de Ré tiendront un stand lors des Fêtes Maritimes puis se regrouperont lors de la Fête du sel en septembre prochain. Coopérative des sauniers de l’île de RéCA 2023 : 3 millions d'eurosNombre de salariés : 25Nombre d’adhérents : 64

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