2/5 Soule : À Mauléon, le commerce de proximité dynamise le centre-ville - Premium

La librairie est bien remplie en ce jeudi après-midi de février, où les habitués à la recherche de leur prochaine lecture côtoient les clients de passage venus déguster une crêpe ou une pâtisserie locale dans le salon de thé situé à l’étage. Quel que soit le jour de la semaine, le commerce ne désemplit pas, glisse Maïtena Urruty, cofondatrice de la librairie indépendante Tandem, qui a ouvert ses portes à Mauléon-Licharre le 4 avril 2023. Il faut dire qu’il s’agit de la première librairie à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde. L’étude de marché effectuée en amont de l’ouverture par Maïtena Urruty et son associée, Marianne Sagardoyburu, faisait état d’un besoin certain. « Les habitants de la Haute Soule, de Sainte-Engrâce ou Larrau, viennent jusqu’à Mauléon pour acheter des livres », souligne Maïtena Urruty qui précise que les autres librairies les plus proches se trouvent à Oloron-Sainte-Marie et Salies-de-Béarn, à plus de 30 km de Mauléon, soit encore plus loin des villes plus enclavées du territoire. Viser la rentabilitéAvant de se lancer, Maïtena Urruty et Marianne Sagardoyburu ont fait appel à l’ODACE (Organisme de Développement par l’Action et la Coopération économique), le centre d’appui aux entreprises de Soule, ainsi qu’à France Active. France Active s’est ainsi portée garante du prêt bancaire de 60.000 euros qu’elles ont engagé. L’investissement de base nécessaire pour l’ouverture étant de 120.000 euros, les 60.000 euros restants ont été investis sur fonds personnels, dont 10.000 euros prêtés par les instances locales : 5000 par le CLEJ (Comité Local d'Épargne pour les Jeunes) et 5000 par le CLEF (Comité Local d'Épargne pour les Femmes qui entreprennent), associations permettant aux habitants de soutenir les porteurs de projets économiques en Soule, via des prêts (à taux zéro pour le CLEJ, avec un taux identique à celui du livret A pour le CLEF). « C’est l’ODACE qui nous a parlé du CLEJ et du CLEF et qui nous a aidées à préparer nos présentations », souligne Marianne Sagardoyburu.Si la première année de la jeune entreprise n’est pas bouclée, les prévisions de chiffre d’affaires sont déjà bonnes. « On pense qu’on dépassera 240.000 euros sur la partie librairie », rapporte-t-elle. Bien plus que les 185.000 euros prévus au bilan prévisionnel pour la première année. Sur la partie salon de thé, le résultat risque en revanche d’être moins positif. « Autour de 30.000 euros au lieu des 40.000 euros prévus ». Une activité connexe qu’elles espèrent cependant pérenniser, à la fois pour « faire tomber certaines barrières » des clients ayant moins l’habitude que d’autres d’arpenter les librairies et pour garder cette activité « à haute valeur ajoutée » aux côtés de celle de vente de livres, où les marges sont plus faibles en raison du prix fixe du livre. Selon le syndicat de la librairie française, la marge (résultat net moyen) du secteur de la librairie est de 1 %, qui en fait l’un des secteurs les moins rentables du commerce de détail.Pour atteindre la rentabilité espérée et « sortir deux SMIC chargés », pour se rémunérer, il faut un chiffre d’affaires annuel de 300.000 euros sur la partie livres, souligne Maïtena Urruty. Un objectif à 3 ans largement atteignable, selon elle, au vu de la fréquentation des débuts, qui va bien au-delà de ce qu’elles avaient imaginé.Maia Houyou a installé en janvier un distributeur automatique pour ses clients. Crédits : Gaëlle CoudertOser se réinventerMaïtena et Marianne ne sont pas les seules commerçantes à dynamiser les rues de Mauléon. À ce jour, 120 commerçants et artisans sont installés à Mauléon, regroupés pour la plupart au sein de l’Union commerciale, une association créée il y a plus de 30 ans pour favoriser l’entraide entre ces professionnels. Ce chiffre est stable depuis une dizaine d’années, confirme Aurélie Lartigue, gérante de Xibero bio, magasin bio installé à Mauléon depuis déjà 13 ans, ancienne présidente de l’union commerciale. « Il y a un dynamisme à Mauléon, avec une ou deux ouvertures de commerce chaque année, confirme-t-elle. Et de nombreux jeunes se sont installés ou ont repris des commerces ces dernières années. » Si, à l’inverse, certains commerçants peinent à trouver des repreneurs au moment de partir à la retraite, ce n’est pas l’attractivité qui est en cause, mais plutôt la conjoncture économique, selon elle. « Notre force à Mauléon, c’est qu’on a des clients très fidèles qui aiment consommer dans leur ville », résume la commerçante.De nouveaux commerces se sont implantés l’an dernier : la librairie Tandem, l’épicerie « Vrac en Sac », la pizzeria « Aurel’s Pizza », une agence immobilière, une auto-école, ainsi qu’une tatoueuse (Vi’k’ink Tatoo) cette année. D’autres se sont réinventés. C’est le cas notamment de la voisine d’en face des libraires, Maia Houyou, la gérante de l’ancienne boucherie-charcuterie-traiteur Haïtïa/Houyou, devenue charcuterie-traiteur lorsqu’elle s’est retrouvée seule à gérer le commerce familial en 2023, après une séparation. N’ayant pas réussi à recruter, elle a adapté son fonctionnement et ses horaires. « J’ouvrais de 7h30 à 18h, maintenant je ferme à 15h », explique la cheffe d’entreprise, à la recherche d’un meilleur équilibre entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle.Pour pallier cette fermeture moins tardive, Maia Houyou a installé au mois de janvier un distributeur afin de permettre aux clients d’accéder à ses produits et plats cuisinés 24h/24. Un investissement de 16.000 euros, qu’elle espère vite rentabiliser. Au mois de mars, sa demande de subvention faite à la région Nouvelle-Aquitaine pour le distributeur et un autre outil de production a été acceptée, elle a ainsi reçu 7.000 euros. Par ailleurs, pour continuer à proposer un large panel de produits à ses clients, Maia Houyou a conclu près d’une dizaine de partenariats avec des agriculteurs locaux afin de mettre leurs produits (bœuf, agneau, fromage de brebis, yaourts…) en dépôt-vente et a développé les plats, côté traiteur. Sur la suite, la jeune quarantenaire est optimiste. « Les clients ont l’air de bien accepter le nouveau fonctionnement », sourit-elle. Sans l’activité boucherie, le chiffre d’affaires sera moindre, mais les marges devraient être plus élevées, vu la diminution des charges salariales. De quoi continuer à pérenniser l’entreprise familiale, créée dès 1936.

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