Deeptech : Hekat planche-t-elle sur la prochaine révolution médicale ? - Premium

Sur l’ex-site Thales à Pessac, la SEM Route des Lasers a fait émerger Amperis, l’une des zones d’activités qu’elle pilote, où s’est installée la jeune pousse Hekat Fluidics. Si cette dernière voisine avec quantité de startups particulièrement innovantes, celle-ci pourrait faire émerger entre ses murs une véritable révolution en matière de santé. Où le mariage de la microfluidique et de l’optique doit permettre de trier à très haute cadence des exosomes, qui sont des vésicules nanoscopiques déversées par une cellule dans son environnement. La nature ou bien la santé de la cellule influe celle des exosomes qu’elle libère. Et donc, si on peut distinguer les exosomes issus de cellules malades ou saines, on tient là un outil de diagnostic. Encore faut-il arriver à détecter et caractériser rapidement et certainement des objets de quelques dizaines de nanomètres.Un défi qui a retenu l’attention de Sophie Bourzeix. Physicienne, polytechnicienne, elle a travaillé dans l’instrumentation optique, avant de mettre ces sujets sur pause « pour des raisons familiales », menant pendant quelques années une activité de céramiste en Dordogne aux côtés de son son mari œuvrant dans la photogrammétrie 3D. « Moi ce que je veux faire, c’est de l’industrie », confesse-t-elle dans un sourire, pour expliquer comment, lassée de cette parenthèse, elle cherche un projet et finit par trouver son bonheur auprès de la SATT Aquitaine Science Transfert. Avec le soutien d’ALPhANOV et de la Région Nouvelle-Aquitaine pour un premier prototype, le projet entre en incubation.Trier l’infiniment petitLes défis sont nombreux et encore loin d’être tous relevés. Déjà, comment arriver à trier des bidules aussi petits ? D’abord en trouvant à les encapsuler individuellement. Un premier savoir-faire pour lequel la collaboration avec le voisin de palier Emulseo se révèle présiceuse. Ensuite en trouvant un moyen de faire que chacune de ses minuscules gouttes puisse être analysée et regroupée avec ses semblables, à très haute fréquence. « Le jour où Mathias Girault [ndlr, l’un des cofondateurs et chef scientifique d’Hekat] est arrivé en disant “voilà, j’ai réussi à trier les gouttes à volonté”, c’est-à-dire les dévier une par une, ce jour-là on a créé la société », se souvient-elle. C’était en janvier 2023. Pour résumer, Hekat utilise un biomarqueur fluorescent directement lié à ce qu’on cherche à identifier. Dans un flux d’exosomes, l’exploit consiste non seulement à identifier les porteurs du marqueur mais aussi les séparer des non porteurs. Ces gouttes de quelques microns, la deeptech girondine est capable d’une trier 5.000 par secondes.Jusqu’à il y a peu, tout ceci se faisait au moyen d’un appareillage occupant toute une paillasse, que l’équipe s’est déjà appliquée à faire rentrer dans une grosse boîte, notamment pour une démo à l’occasion du Start-up Day d’Unitec. Après avoir levé 800.000 euros auprès de business angels il y a un an et demi, obtenu 600.000 euros (le maximum possible !) en étant lauréat i-Lab et récemment obtenu une aide de 275.000 euros de la Région, Hekat a de quoi tenir jusqu’à la fin de l’année prochaine. Mais pense déjà à la suite. « On va y aller lentement, pour monter en valeur ». Des discussions sont à venir « avec des fonds locaux et des fonds très techniques, pour une levée encore petite, de l’ordre de trois ou quatre millions d’euros ». L’objectif ? Arriver à l’industrialisation de l’instrument développé par Hekat. En attendant, la jeune pousse veille à « rester discrète, d’un point de vue technique », consciente que « de grosses boîtes internationales pourraient gratter à la porte ».La recherche, puis le monde cliniqueUne industrialisation qui permettra dans un premier temps de vendre auprès du monde de la recherche. « C’est déjà un très gros marché », reprend la dirigeante. Et de souligner que « c’est ce monde de la recherche qui va aussi trouver des cas d’usage et les démontrer et, d’une certaine façon travailler pour nous ». Une étape au cours de laquelle il faudra certainement à nouveau lever des fonds, pour mener des pré-essais cliniques. Employant actuellement huit personnes, deux thésards Cifre, Hekat ne devrait pas faire faire évoluer son équipe avant le milieu de l’année prochaine, avant de recruter à nouveau. Pour du business development, des commerciaux, mais aussi des cliniciens, des techniciens de production, la gestion du SAV, en vue d’un premier démarrage commercial en 2026. L’équipe pourrait monter à 50 personnes en 2030, qui pourrait correspondre à l’arrivée sur le marché du diagnostic, dont le potentiel est estimé à plusieurs milliards d’euros par an.Outre la vente des dispositifs d’analyse, Hekat devrait aussi commercialiser des consommables, principalement les puces microfluidiques au sein desquelles s’opère le tri. « Les gens de l’Institut Curie estiment que ça sera “un patient, une puce”, mais on n’y est pas encore. Et on fonctionnera peut-être différemment avec le monde de la recherche. » Les perspectives sont ainsi extrêmement prometteuses, tant sur le diagnostic ultra précoce de maladies que sur la stratification des patients. L’arrivée de la technologie Hekat pourrait ainsi avoir le même impact que « les cytomètres de flux, qui ont révolutionné la biologie du XXe siècle ». Avec déjà quatre brevets déposés et deux autres à venir, l’équipe s’emploie à verrouiller sa propriété intellectuelle. Et regarde aussi vers le tri d’autres nano-objets biologiques. Sophie Novault, directrice de la plateforme de cytométrie de l'Institut Pasteur, aurait ainsi confié à Sophie Bourzeix : « Si tu arrives à me trier des virus, je monte au rideau ! » C’est dire les enjeux.HekatSAS fondée en janvier 2023Siège social : Pessac (zone Amperis)Effectif : 8 personnesCA : néant

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