Transmission-reprise (1/5) : des entreprises néo-aquitaines en mal de repreneurs
110.000 entreprises et fonds de commerce néo-aquitains seront potentiellement concernés par le sujet de la transmission-reprise dans les prochaines années du fait de l'âge du dirigeant - crédit Pixabay
En France, seule la moitié des entreprises à céder trouve un repreneur. La Nouvelle-Aquitaine n’est pas épargnée. La situation est d’autant plus préoccupante que, dans notre région, un tiers des dirigeants a plus de 55 ans.
Les statistiques font défaut, l’Insee ayant cessé de comptabiliser les cessions depuis 2007. Cependant, selon un rapport du sénat « Reprendre pour mieux entreprendre », datant de 2022, sur environ 60 000 transmissions d’entreprises par an, en France, la moitié n’aboutit pas. De plus, selon BPSC L’observatoire, le phénomène de ralentissement des cessions-transmissions d’entreprise s’est accentué, diminuant de 19% entre 2010 et 2019 et de 16% entre 2019 et 2020, notamment pour les sociétés sans salariés. Si les PME s’en tirent mieux, « on est loin de la vague de cessions attendues à la suite de la fin d’activité de la génération du baby-boom », indique le rapport du Sénat.
La Nouvelle-Aquitaine, dans le paysage français, ne fait pas exception. Chaque année, seulement la moitié des entreprises susceptibles d'être transmises l'est réellement. Les transmissions qui se concrétisent sont souvent des cessions définitives, avec la vente de la totalité des parts sociales ou uniquement le fonds de commerce. Si certains cédants rachètent et revendent des sociétés pour faire des plus-values, en grande majorité, le motif principal d’une cession est le départ à la retraite.
110.000 dirigeants de plus de 55 ans en Nouvelle-Aquitaine
La situation apparait ainsi préoccupante pour les prochaines années en Nouvelle-Aquitaine, région qui compte 110.000 dirigeants âgés de plus de 55 ans (chiffres 2021, CCI NA et CRMA), aussi bien dans les secteurs de l’industrie, de l’artisanat, du commerce et des services, soit plus 34 % du nombre total des entreprises de moins de 10 salariés de Nouvelle-Aquitaine. L’observatoire Bpifrance note, lui, que notre région est la première en nombre d’offres et la 3ème en nombre de recherches par région. Une étude menée sur les premiers mois de 2022 indique à titre d’exemple que le nombre d’offres de cédants était de 6.357.
La création d’entreprise séduit davantage
Force est de constater que la dynamique est davantage basée sur la création d’entreprise que la reprise. La Nouvelle-Aquitaine avoisine les 80.000 créations par an. La reprise de sociétés reste en marge avec moins de 10% de ces nouvelles immatriculations. Les sirènes de la création de start-up attirent en effet davantage les jeunes, notamment le statut de micro-entrepreneur qui ne demande aucun moyen pour se lancer. Pour preuve, une étude de la CCI Bordeaux révèle que les repreneurs sont aux deux tiers des cadres de 45 à 55 ans ayant eu une première longue expérience professionnelle et ayant suffisamment de capital pour s’appuyer sur des fonds d’investissement, des banques ou family office. Ils ciblent essentiellement des TPE et PME. De fait, seulement un tiers des entreprises à céder est racheté par croissance externe par d’autres sociétés.
Des disparités géographiques
De plus, les entrepreneurs les plus jeunes, ayant réalisé leurs études en métropole, portent peu leur choix de reprise sur des TPE ou PME basées en milieu rural. Ce sont ainsi plus spécifiquement les TPE situées dans les villes moyennes ou les petits villages qui peinent à trouver des candidats à la reprise. Une étude Altares (juin 2022) indique que les ventes et cessions de fonds de commerce sont surtout réalisées dans les grandes villes et seulement 25% dans les petites villes rurales qui représentent pourtant 90% de l’ensemble des communes françaises.
Un recul des transmissions familiales
Certains secteurs sont plus spécifiquement touchés tels que l’artisanat, qui compte en Nouvelle-Aquitaine un quart de dirigeants âgés de plus de 55 ans. Constituée en majorité de sociétés de moins de 10 salariés, la filière-tourisme, notamment l’hôtellerie-restauration, est particulièrement en mal de repreneurs. Comme d’autres secteurs, elle témoigne d’un repli des transmissions familiales. Selon la Région, alors qu’auparavant, 80% en effet de ces sociétés étaient transmises à des proches, les 2/3 sont aujourd’hui revendues à des tiers. C’est également le cas dans le secteur de l’agriculture. Témoins d’un métier et d’un entreprenariat parental jugé « usant », les jeunes générations aspirent à des métiers laissant plus de place aux loisirs et à la vie privée. Pour le tourisme comme pour l’artisanat, le coût important de travaux à réaliser pour des mises aux normes découragent aussi les éventuels repreneurs.
Une tendance à surévaluer la valeur de son entreprise
Un autre critère explique que bien des cessions ne se concrétisent pas. Beaucoup d’entrepreneurs auraient tendance à surévaluer la valeur de leur entreprise. Certains propriétaires d’un immeuble ou fonds de commerce et souhaitant les garder, tout en continuant à percevoir un loyer, n’ont pas toujours conscience que, pour le repreneur, ce manque à gagner sera dissuasif. Cette surévaluation de la valeur de l’entreprise est un frein également pour des formes plus originales de transmission telles que les Scoop, les salariés ne pouvant suivre. Enfin, pour les entrepreneurs plus philanthropes, prêts à céder gratuitement une partie du capital, le recours à une fondation actionnaire, relève d’un long cheminement juridique et se révèle complexe à faire aboutir.