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Agriculture urbaine : après Lormont et Mérignac, Les Nouvelles Fermes veulent conquérir la France

Stratégie
lundi 05 juin 2023

Thomas Boisserie, cofondateur des Nouvelles Fermes, dans la serre de Mérignac. Crédits : MB

La société Les Nouvelles Fermes, spécialisée dans l’agriculture urbaine, vient d’ouvrir pour la première fois les portes de son site mérignacais. Objectif : produire 60 tonnes de légumes et aromates chaque année, et 12 tonnes de truites. Sûrs de leur modèle et de leur rentabilité, les fondateurs espèrent déployer ce modèle dans les grandes métropoles françaises dans les années à venir.

À Mérignac, au cœur d’une zone industrielle, une immense serre sort de terre. De prime abord, l’installation a de quoi surprendre. À l’initiative de ce projet, qui fêtera ce mois-ci sa première année d’existence, se cache la jeune pousse girondine Les Nouvelles Fermes. Fondée par cinq associés, elle veut « révolutionner l’agriculture », notamment urbaine, grâce à l’aquaponie. Une méthode ancestrale qui associe l’élevage de poissons et le maraîchage hors-sol. « L’eau, mêlée aux déjections des truites, permet d’alimenter les plantes en nutriments de base, et de répondre à 90% de leurs besoins », présente Thomas Boisserie, l’un des fondateurs des Nouvelles Fermes. Sur un demi-hectare, 4.000 truites sont ainsi élevées, et 20.000 semis sont réalisés chaque semaine. Plantes aromatiques, légumes : ici, tout est de saison.

« La serre est bioclimatique, reprend Thomas Boisserie. En clair, ce sont deux parois de plastique qui permettent d’éviter la plupart des problèmes de gel en hiver. Hormis l’isolation et le béton, nous avons tout construit nous-mêmes pour la simple raison que personne ne sait faire. L’aquaponie a beau être multimillénaire, on en a oublié la plupart des rudiments et il y a très peu de capitalisation scientifique sur ce sujet. » L’équipe a d’ailleurs pris son temps pour ouvrir les portes de sa ferme, préférant s’assurer de la viabilité économique de son projet avant toute communication. « Nous avons également eu trois ou quatre ans de R&D dans notre première ferme à Lormont, dans laquelle nous avons accumulé notre savoir », renchérit le cofondateur.

Rentables dès 2024 ? 

Pour illustrer les capacités de la ferme, Thomas Boisserie égrène les chiffres et les comparaisons avec les autres formes d’agriculture. Les Nouvelles Fermes utilisent dix fois moins d’eau que les cultures pleine terre (1.200 mètres cubes par an contre 12.000 mètres cubes pour produire autant), et consomment cinq fois moins d’énergie. « C’est tout un travail que nous avons mené, et nous sommes en attente d’un dépôt de brevet. » Objectif affiché : faire pousser 60 tonnes de produits frais, et écouler 12 tonnes de truites chaque année. Pour ces dernières, dans le bassin de 900 mètres cubes, un courant continu est créé, leur permettant de nager. « En matière de bien-être animal, on parle en kilo de poissons par mètre cube. La limite en bio est de 25 kg par mètre cube, et on s’oblige à respecter cette limite. On a même voulu descendre à 20 kg, mais les truites devenaient territoriales et se battaient », souligne notre interlocuteur.

Ce que la jeune entreprise veut montrer, c’est que l’on peut être une ferme dite « intensive », sans utiliser de chimie de synthèse. Mais aussi et surtout, qu’il est possible de consommer local. La trentaine de clients des Nouvelles Fermes se trouve ainsi dans un rayon de 20 km. Ils se composent à 60% de grandes et moyennes surfaces, à 30% de restaurants, et à 10% de particuliers. « Et puis, ce n’est pas parce que ça pousse dans l’eau que ça n’a pas de goût », martèle Thomas Boisserie. L’entreprise affirme être 15 à 20% moins chère que le bio, mais reconnaît être « un peu plus chère que le conventionnel ». Fière de son modèle, l’entreprise affirme que le mois de juin marquera le début de sa rentabilité financière. « On ne le sera pas sur toute l’année, mais dès 2024 nous devrions atteindre un chiffre d’affaires de 900.000 euros, et donc, le seuil de rentabilité. »

Déployer le modèle en France

Si aujourd’hui Les Nouvelles Fermes insistent sur le fait qu’elles fournissent « 1% de la consommation en salade verte de la métropole bordelaise », les cinq fondateurs entendent dupliquer leur modèle ailleurs en France. Objectifs à cinq ans : être présents dans cinq grandes métropoles, pour un chiffre d’affaires global de 40 millions d’euros. Pour cela, il faudra nécessairement lever des fonds, comme en 2021, car une ferme urbaine coûte cher. Thomas Boisserie : « Il faut compter 250 euros par mètre carré, donc 1,2 million d’euros pour le site de Mérignac. » Un investissement soutenu par l’Union européenne, l’Etat, la Région Nouvelle-Aquitaine, Bpifrance et Bordeaux Métropole à hauteur d’un million d’euros. « Et il a fallu investir autant en R&D, pour construire ce savoir », précise le dirigeant. Si la jeune pousse se veut low tech, elle s’appuie tout de même sur plusieurs capteurs (température, PH, oxygène) pour surveiller de près sa production.

L’objectif, désormais, est donc de transformer l’essai en mutualisant les compétences, « pour arriver à développer, demain, une agriculture rentable ». Et à ceux qui pourraient arguer que la serre prend la place d’un maraîcher, Thomas Boisserie a une réponse toute trouvée : « Ici à Mérignac, la question se pose quant à la capacité de faire sortir quelque chose du sol. Il y a pas mal de suintements de kérosène, liés à l’activité aéroportuaire. »

Les Nouvelles Fermes
Basée à Mérignac
40 salariés
CA 2022 : n. c.