Salon de l’agriculture : « En politique, il faut des compétences et du courage », affirme Alain Rousset - Premium

« Ce qui nous préoccupe, c’est bien sûr le revenu des agriculteurs, mais aussi la crise climatique et la désinvolture du gouvernement d’une part et de l’Europe d’autre part face à cela », ouvre le président Rousset, dans un stand de la région Nouvelle-Aquitaine bondé. « Après les quatre mois de sécheresse en 2022 vint la météo tellement pluvieuse les deux années suivantes que l’eau ruisselait à torrent, sans pouvoir rentrer dans les sols. Il y a aussi les nouveaux perturbateurs sur la santé animale », déroule-t-il à l’ordre du jour des préoccupations.De l’eau, de l’air… l’agricultureIl y a quelques semaines, Alain Rousset annonçait, dans le sillage de la Mission d’information et d’évaluation relative à la politique agricole et alimentaire régionale, la création d’un think tank régional. « Le sujet du déficit en eau est crucial. Dans 10 ou 20 ans, il n’y aura plus de glacier dans les Pyrénées, qui sont les châteaux d’eau alimentant toutes nos sources. S’il n’y a pas d’eau dans les montagnes, c’est la fin du pastoralisme », annonce-t-il. Une perspective contre laquelle l’action suppose « la sobriété de tous quant à l’usage de [la ressource] et de mener une réflexion sur le moyen de [la] garder] dans les montagnes et dans les sols. Ce qui implique d’avancer sur la protection des zones humides ».D’où la signature, ce jour, d’une convention entre l’Agence de l’eau Adour-Garonne et l’école d’ingénieurs agronomes Bordeaux Sciences Agro. Un paraphe « original et structurant », ouvre Alain Rousset, qui préside l’agence. « Il faut ralentir le circuit de l’eau, car nous faisons face à un paradoxe. Depuis 40 ans, on cherchait surtout à drainer, pour la renvoyer vers l’océan. Les grands incendies de l’été 2022 ont montré qu’il faut retenir le cours de l’eau, approvisionner nos sous-sols, pour protéger et régénérer nos sols. »Outre l'appui à la chaire Agriculture Bio, cette convention inclut également une participation pédagogique à la « green spécialisation » ainsi qu'au forum de l'emploi de Bordeaux Sciences Agro.Pas d’agriculture sans politique« S’il n’y avait pas la loi Egalim, les prix se discuteraient avec seulement deux grandes centrales d’achat au niveau européen », rappelle le président. « Demain le climat sera plus chaud qu’aujourd’hui, il y aura une baisse de la biodiversité. C’est une réalité et nous devons en tenir compte. Nous avons, en Nouvelle-Aquitaine, structuré des réponses technologiques et industrielles. Mais je suis en colère contre l’Anses [ndlr, Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail] qui nous fait perdre un temps considérable. Nous avons des traitements alternatifs aux intrants chimiques contre le mildiou, l’oïdium, que nous allons faire homologuer en Belgique, qui sont autorisés dans 26 pays mais pas en France », grince l’élu.Un sujet abordé avec la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, lors d’un échange, face à face, avec la seule présence des équipes rapprochées. « C’était ma première rencontre avec la ministre depuis sa nomination », rappelle-t-il. Une discussion où il s’agit surtout de poser un agenda et de faire monter les sujets prioritaires en première ligne. Outre une enveloppe européenne de 27 millions d’euros, pour l’aide aux territoires et aux agriculteurs victimes de problèmes climatiques, bloquée par manque d’une autorisation du ministère de l’Agriculture et l’antienne du président à l’encontre de l’Anses, Alain Rousset a notamment évoqué la possibilité de « recréer avec Bruxelles les aides au MAB [ndlr, maintien en agriculture biologique]. Le gouvernement a un milliard d’euros non dépensés sur l’agriculture biologique ». Sans oublier de glisser un mot sur « son » projet d’école vétérinaire publique à Limoges, qui serait la cinquième sur le territoire régional. Tout sauf une lubie, martèle-t-il, tant « les problèmes de l’élevage sont, peut-être, d’abord des problèmes sanitaires. Et quand on voit qu’une école vétérinaire privée à Rouen coûte 18.000 euros par an, c’est une provocation contre le monde agricole et une insulte envers l’ascenseur social », tonne le président Rousset.Sur tous ces sujets évoqués, face aux annonces « je suis comme Saint-Thomas face au Christ ressuscité, j’ai besoin de toucher pour y croire », conclut Alain Rousset. Comme pour souligner qu'il n'est pas le moins paysan de la bande.Histoires de présidentsInvité par Alain Rousset - au débotté - à s’exprimer, le président sortant de la Chambre régionale d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine, Luc Servant, s’en est tenu à une prudente réserve, soulignant que les résultats des récentes élections pour les chambres départementales d’agriculture « sont un message du monde agricole qu’on doit entendre ». Référence à la poussée observée dans notre région du vote en faveur de la Coordination Rurale. « Nous avons coconstruit les politiques publiques agricoles avec les sortants », rappelle Alain Rousset. S’il ne lui « appartient pas de choisir les présidents de chambre d’agriculture », il dit souhaiter avant tout qu’elles soient « représentatives ». Mais « je garde le souvenir d’une agression inadmissible, quand on force la porte d’une assemblée élue, moi j’en tire les conséquences ». Le nom du prochain président de la Chambre d’agriculture de la Nouvelle-Aquitaine devrait être connu d’ici une quinzaine de jours.

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