Saison hiver dans les Pyrénées : comment séduire alors que l’enneigement risque de se réduire ?
Les professionnels pyrénéens veulent se doter d'une feuille de route sur plusieurs décennies. Photo d'illustration : Adobe Stock
La saison des sports d’hiver s’annonce et les stations se sont mises en ordre de bataille pour s’adapter et travailler leur attractivité. Entre défi climatique, crise de l’énergie et nécessaire construction des ambitions et moyens à long terme, une vaste étude prospective est lancée.
Pour présenter le lancement de la saison hiver 2023-2024, l’ensemble des forces vives du massif pyrénéen avait fait le déplacement ce matin à Bordeaux. Tout un aréopage, avec des représentants de chacun des huit domaines N’Py (Gourette, La Pierre Saint-Martin, Peyragudes, Piau, Grand Tourmalet, Pic du Midi, Luz-Ardiden, Cauterets), entité de la Compagnie des Pyrénées, mais aussi des émissaires des domaines d’Artouste, du Somport, d’Issarbe ou encore d’Iraty. Une saison pour laquelle les stations N’Py ont maintenu un haut niveau d’investissement : 14,7 millions d’euros (contre 17,9 millions en 2022-2023). Avec l’ambition d’« assurer le meilleur accueil aux clients », notamment avec l’installation de deux nouveaux télésièges à Gourette, une nouvelle aire de camping-cars de 44 emplacements à La Pierre Saint-Martin ou, « parce qu’il n’y a pas que les skieurs et qu’on peut s’amuser avec des activités tierces », comme le rappelle justement Paul Quintana (N’Py), l’ouverture de balades en raquettes ou à chiens de traineaux (3 mushers à Luz Ardiden) ou l’ouverture d’une tyrolienne à virages (500 mètres de descente) à Artouste.
Une saison qui s’ouvre alors que s’apaise à peine la crise énergétique de 2022, qui a laissé des traces. « Le poids du coût de l’énergie dans les charges d’une station est ainsi passé de 5 à 15% », souligne Guillaume Roger, directeur opérationnel de N’Py. D’où la mise en place d’outils dédiés, alors qu’en parallèle se profile l’objectif de neutralité carbone d’ici 2037. Des outils de monitoring précis de la consommation énergétique ont été déployés, testé à Cauterets avec par exemple une économie de 30% d’électricité en réduisant « de façon presque insensible pour l’usager » la vitesse des télécabines, la durée du trajet passant de 12 à 15 minutes. Les outils d’enneigements plus énergivores sont déplacés aux emplacements où ils seront moins utilisés.
Sur les domaines N’Py, « le prix des forfaits augmente au même rythme que l’inflation, en moyenne de 5% », indique Guillaume Roger, alors que de nombreux outils existent pour optimiser le coût d’un séjour. Ainsi de la « place de marché du ski », qui « permet de réserver l’intégralité des composantes du séjour, à un prix 10% moins cher que la moyenne observée », en fédérant plus de 600 prestataires dont 400 loueurs de meublés particuliers, 90 hébergeurs professionnels et 70 prestataires hors hébergement (écoles de ski, location de matériel, centres balnéo, activités de montagne…). Pour la saison allant de l’été 2022 à l’hiver 2022/2023, cet outil a généré un volume d’affaires de presque trois millions d’euros. Des réductions automatiques sont appliquées en cas de réservation au moins 15 jours avant le séjour. « Au final, il n’y a de 30% des skieurs qui paient au prix fort », assure le directeur opérationnel.
L’optimisme semble de mise : à date, « les réservations vont bon train et sont en hausse de 4% », assure-t-on.
Une étude prospective pour se réinventer à 20 ans
Une perspective rassurante, alors que la saison 2022-2023 « a été un peu compliquée, en raison d’un temps et d’un enneigement capricieux », reprend Guillaume Roger. Résultats : un (tout petit) peu moins de deux millions de journées de ski dénombrées par N’Py, malgré une fréquentation en hausse de 7% pendant les vacances de février 2023 « qui avaient été qualifiées de saison exceptionnelle » et un chiffre d’affaires global qui a atterrit juste au-dessus des 60 millions d’euros (vs 64,3 millions en 2021-2022 qui avait connu un effet rattrapage post-covid). Pour maintenir une dynamique positive, place à la diversification, notamment pour réduire la dépendance à la neige. En ouvrant de plus en plus d’activités non centrées sur la glisse pure en hiver, mais aussi en travaillant l’attractivité estivale. N’Py revendique ainsi une fréquentation en hausse de 5% par rapport à l’été 2022, avec 260.000 visiteurs (en hausse même de 8% sur 2021). Notamment grâce à la reprise d’exploitation des restaurants d’altitude et de nombreuses activités ludiques.
« Face à l’évolution climatique qui influe directement sur la durabilité de l’enneigement, la Compagnie des Pyrénées et ses actionnaires ont souhaité mettre à profit cette période de transition pour adapter le modèle économiques des domaines de montagne nécessaire à la pérennité des emplois [ndlr : plus de 600 ETP, environ 1.080 personnes durant les vacances scolaires] et plus largement à la vie des vallées », est-il indiqué. Cette étude a été confiée à EY et lancée début 2023, ses résultats sont attendus pour la fin de l’année. « Nous allons bâtir un projet commun, des ambitions à 20 ans, en anticipant sur cette durée les enjeux de marché. Cela se traduira par une feuille de route pour assurer le développement des stations de montagne, tout en préservant la spécificité de chacune », déroule Guillaume Roger. Au soutien de cette démarche, c’est « l’intelligence collective comme modèle d’intervention » qui doit prévaloir. Une dizaine de groupes métiers (billetterie, neige, systèmes d’information, finances/contrôle de gestion, remontées mécaniques, commercial/marketing, pistes, social/RH…) sont ainsi mis en place afin de « co-construire la stratégie future de mutualisation ».
Pour aller plus loin :
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