Filière laine : Pourquoi Traille s’ouvre au BtoC ? - Premium

Créée en 2020 par Muriel Morot, Traille est une entreprise spécialisée dans la valorisation de la laine locale. « C’est une matière qui est tondue et donc on ne sait pas quoi en faire depuis plusieurs années. Quand j’ai découvert ce que je considère comme un gâchis, je me suis intéressée au sujet », explique-t-elle. A lire aussi : VIDEO - SIA 2024 : Traille déroule sa laine comme paillage naturel La société travaille à partir des laines fines, avec un vivier estimé à 50 tonnes par an dont près de 40 déjà valorisées, et des laines rustiques beaucoup plus abondantes. Jusqu’ici centrée sur le BtoB, Traille fournit de la ouate pour les manteaux, du garnissage pour les chaussons, des matériaux textiles ou encore des solutions de packaging en laine, comme des étuis développés pour Château Cheval Blanc. Un virage stratégique vers le BtoC Mais après avoir développé une activité solide en BtoB, la cheffe d’entreprise a voulu également se lancer sur le BtoC et adresser directement ses clients : « La raison principale, c’est clairement de permettre aux gens qui soutiennent Traille depuis un petit moment d’acheter des produits finis avec de la laine locale ». De cette idée sont nées Puxka (paillage naturel pour jardiniers) et Caloun (marque de puériculture). Au-delà de l’aspect écologique, avec Puxka l’ambition est de consolider le modèle économique de Traille. Les laines rustiques représentent un gisement de plus de 1.000 tonnes par an, bien supérieur aux volumes plus fins déjà exploités en BtoB. Pour écouler cette matière, Muriel Morot mise sur une stratégie hybride : le nouveau débouché B2C via les jardineries, en plus du BtoB déjà amorcé auprès de collectivités et d’associations. « L’idée, c’est vraiment que Puxka soit un appui pour le BtoB, qui reste le gros enjeu en volume ». Pour gérer la production, elle s’appuie sur deux ailes logistiques basées à Mouguerre, qui assure la découpe, le packaging et l’envoi des rouleaux. Le lancement se fera d’abord avec trois ou quatre points de vente tests, avant d’élargir le réseau. Puxka a eu l’occasion de faire ses preuves en BtoC : « Maintenant, qu’on a les fiches techniques, les retours d’expérience… On sait où ça marche et on veut le lancer pour de bon et essayer d’atteindre les 1000 km par an », annonce la fondatrice qui vante les avantages écologiques de la marque tels qu’une meilleure régulation des sols et une conservation de l’humidité. Pour l’instant, le lancement se fera de manière progressive dans quelques jardineries locales, comme à l’occasion de ce lancement officiel à Guichard ce 14 octobre. « Avec la jardinerie, on fait aussi de l’aménagement, donc on s’est dit pourquoi pas l'essayer. » explique Xalbat Goyty, directeur de la jardinerie Guichard. « Donc on a mené des expérimentations avec Muriel… Le retour qualitatif compte et avec ce produit on ne pollue pas les sols ». Une nouvelle marque de puériculture made in Pays basque Traille lance aussi une toute nouvelle marque Caloun, orientée vers la puériculture. Elle propose ainsi des produits fabriqués en France à partir de laine locale tels que des couvertures, des gilets sans manches réversibles ou encore des langes. L’objectif est de proposer une alternative aux grandes enseignes de puéricultures utilisant de la matière synthétique. Avec Caloun, elle veut miser sur la traçabilité, la qualité et le design : « Aujourd’hui, il faut avoir les trois et d’après notre étude de marché, il n’y en a pas qui combinent tout ». Pour Caloun, Muriel Morot a choisi un modèle de distribution directe. La marque sera commercialisée principalement en ligne via Shopify, avec une présence limitée dans deux ou trois boutiques partenaires, davantage pour se faire connaître que pour générer du volume. L’idée est de conserver des marges suffisantes tout en restant compétitif face aux grandes marques. Les prix se veulent accessibles : « Une gigoteuse, c’est 90 €. Nous, ce ne sera pas plus cher, sauf qu’ici, c’est 100 % laine locale et confectionnée en Nouvelle-Aquitaine ». La communication passera par le digital grâce aux réseaux sociaux, aux campagnes sponsorisées, et un travail avec des influenceurs, notamment des jeunes mamans. Muriel Morot assume : « On va payer des gens pour faire des posts, mais il faut jouer le jeu ». Les défis du passage au BtoC Cependant, le lancement de Caloun se heurte à plusieurs contraintes. La première concerne la confection locale, plutôt complexe. Muriel Morot confie avoir eu « des petites galères de confection », en raison d’une transition interne compliquée. Elle doit donc trouver des ateliers capables d’assurer une qualité irréprochable tout en permettant de passer à des séries plus importantes si le succès est au rendez-vous. À cela, s’ajoute un marché de la puériculture très concurrentiel, dominé par des grandes marques produisant à bas coût en Asie. Puxka représente quant à elle un débouché prometteur pour les laines rustiques, mais son modèle économique reste fragile. La jardinerie est un secteur où « les marges sont assez réduites », reconnaît Muriel Morot. Elle avance donc par étapes en limitant pour l’instant la distribution à quelques points de vente locaux. L’autre défi est de réussir à convaincre les particuliers d’adopter ce produit encore peu connu du grand public. Pour l’avenir, la fondatrice de Traille compte sur les collaborations, le bouche-à-oreille, la visibilité offerte par la presse et les réseaux sociaux. Plusieurs leviers pour donner de l’ampleur à Puxka et Caloun. « On fait en sorte que les produits soient bien, le reste suivra ».

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