Laüsa #9 : « Beaucoup de gens manquent de mémoire » selon Didier Massy - Premium

Au sein de l’Atelier 128 de Pulséo à Dax, le premier Laüsa de l’année recevait Didier Massy pour un échange riche en partage d’expériences. Entrepreneur dans l’âme, l’homme a quitté son entreprise Massy mais n’en a pas fini avec l’entrepreneuriat. Au travers de ses mandats à la FFB Landes (Fédération française du bâtiment) ou à la CPME (confédération des petites et moyennes entreprises), il poursuit sa mission de transmission, animé par une insatiable curiosité et des valeurs d’entraide.Placéco : L’entreprise familiale a été créée par votre père en 1964, vous l’avez intégrée en 1980, la faisant grandir de 8 à 60 salariés. Pourquoi avoir décidé d’arrêter l’an dernier?Didier Massy : Parce que d'une part, 44 ans dans une entreprise, c'est quelque chose de long et d'intense, surtout quand on l'a fait évoluer. L’entreprise est passée à 60 salariés avec tout ce que cela comporte d'avoir une entreprise de 60 personnes aujourd'hui… Et puis j’ai connu beaucoup de choses, les crises de 1998 et 2008, ainsi qu’un accident qui m'a permis de réfléchir et de voir que la vie ne servait pas qu'au travail. Donc effectivement, je ne voulais pas faire les années de trop parce que souvent, on se rend compte que des gens qui veulent aller trop loin, gâchent un petit peu l'essence de ce qui a fait leur vie. Vous avez transmis les rênes à votre frère avec qui vous êtes très complémentaires. Comment avez-vous organisé cette transmission?Mon frère a 10 ans de moins et c'est vrai que nous sommes complémentaires. Il s'occupait plutôt de tout ce qui est études et commandes et il le maîtrise parfaitement. Moi, j'étais plutôt du côté chantier, RH et commercial. Mais je lui avais annoncé depuis quelque temps, qu'à 65 ans, j'avais envie de m'arrêter. Alors j'avais deux choix, des solutions externes ou rester en interne. Mais la première idée d'une entreprise familiale, c’est d’abord une volonté de continuité et de garder l’entreprise dans le giron familial. Mes enfants étant partis vers d'autres destins, ils n’étaient pas intéressés. Peut-être plus tard nous parlerons effectivement de l'évolution vers une autre génération de Massy. La transmission du savoir-faire, c’est aussi quelque chose que vous avez encouragé tout au long de la vie de l’entreprise, notamment à travers la formation de plus de 50 apprentis… J’ai un défaut et à la fois une qualité, je suis très curieux. Cette curiosité m’a notamment amené vers le monde sportif. Au sein de l’US Dax ou de Basket Landes, à travers le management sportif, j’ai pu voir des jeunes, leurs qualités, et j’ai appris à les mener, à les motiver. Ainsi, beaucoup d’idées du monde sportif m’ont inspirées, et je les ai appliquées en entreprise. Comment cela s’est caractérisé dans le monde entrepreneurial?J’ai appliqué les mêmes recettes. Je me suis tourné vers des lycées, vers des collèges, pour attirer les jeunes vers nos métiers peu attractifs à l’époque. Ainsi, j'ai commencé à recruter quelques jeunes en formation parce que je suis un fervent défenseur de l'apprentissage. Même si ce n’est pas un gage de réussite, on fait souvent de bonnes pioches. Plus on accueillait des jeunes, plus l’entreprise s’est structurée en changeant de posture, devenant un vrai lieu de formation. L'intelligence apportée par cette jeunesse a considérablement changé le profil de l'entreprise.« C’est plus que jamais le moment d’apporter de l’aide » Aujourd’hui, même si vous avez quitté l’entreprise, vous continuez cette mission de transmission? Ça me tient à cœur, oui. Ce qui me porte, c'est la mémoire car je crois qu'aujourd'hui, beaucoup de gens manquent de mémoire. Plein de gens m'ont apporté à un moment donné, une aide, des appuis, des conseils, des idées. Comme sur le modèle des compagnons du Tour de France, je fais la démarche de rendre ce que j’ai reçu. C’est dans cet esprit que je me suis dirigé vers le syndicalisme. À la FFB ou à la CPME, j'ai plaisir à aider, encore plus aujourd’hui dans une période où les gens en ont vraiment besoin, à un moment où beaucoup sont un peu perdus. C’est plus que jamais le moment d’apporter de l’aide. Avec vos responsabilités à la CPME et à la FFB, vous avez une vision globale sur la situation économique du département. Dans le climat de marasme national, pensez-vous que les Landes s’en sortent mieux?Sincèrement, je crois que les Landes s’en sortent mieux que nos voisins du 33 ou du 64. Car les Landes n'étaient pas montées à des chiffres stratosphériques alors qu’à Bordeaux ou sur la côte basque, ils avaient atteint des niveaux exceptionnels. Nous, dans les Landes, je crois qu'on a continué tranquillement, avec une certaine maîtrise pour laquelle on peut remercier les acteurs de ce département (élus, EPCI…). C’est ce qui fait que le territoire ne s'est pas effondré comme d’autres. La baisse est réelle, mais elle n'est pas catastrophique. Néanmoins, il y a des gens qui souffrent. Les chefs d'entreprise ont pris plusieurs jets depuis le Covid et aujourd’hui, beaucoup sont lassés, voire exténués. À cela s’ajoute le problème RH depuis la pandémie de coronavirus, ayant accentué les difficultés dans la vie d'une entreprise. Tout ça, mis bout à bout, fait que c'est vraiment complexe aujourd'hui de mener une entreprise.

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