Éléna Poincet : de la DGSE à Tehtris, une vie dans la sécurité
Éléna Poincet dans les locaux de Tehtris - Photo MB
Ancienne militaire puis agent de la DGSE, Éléna Poincet a cofondé la société Tehtris. Toujours motivée par la perspective d’atteindre l’élite, la cheffe d’entreprise aborde son parcours, combatif, sans jamais oublier son binôme Laurent Oudot.
Aujourd’hui à la tête de Tehtris, entreprise spécialisée dans la cybersécurité qu’elle a fondé avec Laurent Oudot, Élena Poincet trace sa route, enrichie de ses carrières passées. Car avant de cofonder la société qui, l’année dernière, a levé 20 millions d’euros, la cheffe d’entreprise a passé 26 ans dans l’armée. « Je me suis engagée après mes études, se remémore Éléna Poincet. Durant 12 ans j’ai été dans l’armée traditionnelle. Je suis une femme d’action, j’aimais faire des activités qui ne sont pas programmables. Pouvoir, du jour au lendemain, être projetée dans des situations qui sortent du cadre normal, du commun des mortels. C’est tout, c’est l’adrénaline. »
Gravir les échelons… Jusqu’à atteindre la DGSE
Nous sommes en 1984 et Éléna Poincet intègre l’une des premières promotions de femmes à pouvoir suivre la même formation militaire que les hommes. « Ce qui m’intéressait, c’était l’aventure. J’ai toujours été active, à sauter dans tous les sens, confie-t-elle en rigolant. Et puis c’est aussi la notion de service car à partir du moment où l’on s’engage, on signe pour protéger les intérêts de la Nation. » Si la cheffe d’entreprise ne s’étale pas sur les actions qu’elle a pu mener, elle a démarré sur le terrain en Allemagne, lorsque les forces françaises y étaient encore présentes.
Après une période d’instructeur de sous-officiers, Éléna Poincet s’engage au service action de la DGSE, la direction générale de la sécurité extérieure. De ses 14 ans passés au cœur des renseignements français, l’ancienne militaire n’en dévoile pas un détail. « Tant qu’on n’en parle pas c’est que tout va bien », lâche-t-elle, ironique. Ce qui l’a poussée à suivre cette trajectoire, c’est son envie d’aller plus loin. Un fil rouge qu’elle suit, ou qui la suit, encore aujourd’hui. « Ce qui m’intéresse c’est toujours l’élite. C’est de monter, d’aller toujours chercher plus loin car j’ai horreur de la routine. Se prouver aussi quelque chose peut-être, je ne sais pas si c’est le bon terme… »
« Je prends toujours les décisions »
Après plus de deux décennies militaires, Éléna Poincet rencontre son binôme, Laurent Oudot, à la DGSE. Fidèle à son tempérament, elle décide de quitter l’armée. « Je prends toujours les décisions. J’ai proposé à Laurent de créer une société, et Tehtris est née en 2010. On n’était que tous les deux et à l’époque on faisait du conseil en cybersécurité. » Mais très vite, son envie d’aller plus loin reprend le dessus. « Après deux ans à prouver à nos clients qu’on pouvait contourner toutes leurs solutions de cybersécurité, en ayant 100% de réussite, je me suis dit : ‘mais ça sert à quoi ? Ça apporte quoi ? ’ » Comme un fauve en cage, l’entrepreneuse a l’impression de tourner en rond. « Il fallait agir », se remémore-t-elle.
En 2012, Laurent Oudot et Éléna Poincet lancent leur première solution de cybersécurité, propre à Tehtris. Elle qui n’avait aucune expérience dans le domaine, aborde ce défi comme ses carrières passée. « J’étais dans le physique, la sûreté physique. Mais le parallèle se fait assez facilement dans la théorie : pour entrer dans la salle dans laquelle nous sommes, il y a tel type de serrure, pas de détecteur de mouvement, pas d’alarme sonore… Vous pouvez passer. Je vais vous détecter car j’ai une caméra, quelqu’un qui surveille. L’informatique, c’est pareil : il faut mettre en place les bons outils permettant de détecter telle ou telle attaque. Et il suffit de savoir ce qu’il y a sur un réseau informatique, pour en assurer la sécurité. »
Tehtris, de précurseur à pépite française
En février 2013, le binôme commercialise sa première solution. « Pour nous c’était une petite victoire, on était même surpris d’avoir deux clients. Alors on s’est dit qu’il fallait recruter des ingénieurs pour avancer. » Tehtris pose ses bureaux à la Cité de la Photonique, gérée par la SEML (Société d’économie mixte locale) Route des lasers. L’entreprise développe ses solutions telle une arme, pour faire face aux quelques 300.000 nouveaux virus qui arrivent chaque jour sur le net. « Nous avons construit une force de frappe avec l’hyper automatisation de nos systèmes, explique Éléna Poincet. Lorsque nous étions cinquante salariés (ndlr : aujourd’hui Tehtris compte 120 collaborateurs), nous avions essayé de calculer le nombre d’humains que pouvaient représenter nos robots : c’était environ 3.000. »
L’année dernière, le duo réalise une levée de fonds historique dans le domaine de la cybersécurité : 20 millions d’euros. « On connaissait nos forces, mais elles n’étaient pas connues sur le territoire, résume Éléna Poincet. Cela va nous permettre de recruter énormément, surtout concernant la partie business et marketing, pour faire face à nos concurrents américains, israéliens, russes ou chinois. Notre objectif est de nous exporter, pour devenir un grand leader européen ».
L’excellence à la française
Cette position de combattant, Éléna la revendique pour elle et Laurent Oudot. La cheffe d’entreprise n’oublie jamais son binôme, depuis leur rencontre. Et de « je », la narration de son histoire est devenue « nous ». Pour elle, impossible d’imaginer son parcours sans lui. « C’est notre combat à tout les deux, tous les jours, sur tout. Nous voulons rééquilibrer, quelque part, la dépendance numérique. Qu’on ait un tiers de confiance européen et si ce tiers peut s’appeler Tehtris, c’est parfait. »
En 2020 l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros, et ne compte pas s’arrêter là. Les piratages dont on entend parler dans les médias enclenchent une prise de conscience. « Enfin, des PDG s’en rendent compte. Du moins certains. Tout le monde sait qu’il faut sécuriser son bâtiment : il faut penser pareil pour l’informatique. »
Tehtris
Basée à Pessac
CA 2020 : 5M€
120 salariés
www.tehtris.com