Comment Cubao veut grandir - Premium

Derrière Cubao, deux trajectoires qui se croisent : celle de Pierre Gougy, entrepreneur autodidacte, et celle de Grégory Hourcadet, également entrepreneur et sapeur-pompier volontaire depuis plus de vingt ans. C’est leur engagement commun comme pompiers qui les confronte aux limites des équipements anti-incendie classiques. Les normes en vigueur exigent en effet l’installation par les collectivités locales de réserves de 60 mètres cubes d’eau. Ce sont « ces grosses outres vertes posées à la va-vite au bord des routes, explique Pierre Gougy, Ce n’est ni pratique, ni esthétique, ni sécurisé. »À lire également - Hélioparc dévoile les nouveaux lauréats de son incubateur GreenovL’idée émerge en 2021 : détourner un container maritime en fin de vie pour y stocker de l’eau. « Il y avait une coïncidence rare entre un produit usagé et un besoin réglementaire. Au lieu de rouiller au fond des ports, nos containers ont une seconde vie », insiste Pierre Gougy. La solution de Cubao, standardisée, robuste, disponible partout dans le monde, coïncidant, avec ses 65 mètres cubes de volume, à la réglementation, semble lumineuse. Problème : « Le container n’est pas étanche, ni prévu pour recevoir des liquides », raconte Grégory Hourcadet. La solution retenue : renforcer la structure avec une armature interne, puis y appliquer un procédé d’étanchéité.Modularité et adaptabilitéLes deux hommes déposent un brevet, validé deux ans plus tard. Un investissement de 50.000 euros, conséquent pour une toute petite entreprise, mais essentiel. « Ce brevet prouve l’unicité de notre solution, explique Pierre Gougy. Il permet aux communes de passer commande sans appel d’offres, ce qui est décisif pour des projets publics. »En deux ans, une quarantaine de Cubao ont été produits, autant sont en commande. Aucun salarié à ce jour, mais un réseau de sous-traitants spécialisés - chaudronnerie, étanchéité, tuyauterie - mobilisé selon les projets. « On pilote un hors-bord, pas un pétrolier », résume Pierre Gougy. La modularité du produit constitue un autre atout. « Ce matin encore, une mairie nous a demandé un Cubao intégré à son environnement. On y ajoutera des plantes grimpantes », raconte-t-il. Bardage bois, camouflage végétal, intégration en zone urbaine ou en chemins creux… Cubao soigne l’esthétique. « Lors de notre présentation à la direction de la sécurité civile à Paris, leur principale inquiétude portait sur la pollution visuelle. On a pris le sujet très au sérieux », affirme Grégory Hourcadet.Les prévisions pour 2025 visent les 600.000 euros, avec une production d’environ 40 unités. Mais l’entreprise anticipe déjà les limites de ce marché. « Un Cubao, c’est pour 20 ans. Ce n’est pas un marché de renouvellement », observe Pierre Gougy.À lire également - Eurelec : « Il faut se demander à quoi ressemblera l’après-transition énergétique » L’enjeu est désormais de diffuser la technologie sous licence : « Il y a des containers et des chaudronniers dans tous les ports du monde. À terme, on ne va pas faire venir un container du Havre à Pau pour l’envoyer ensuite en Italie, par exemple. Ce ne serait ni cohérent, ni écologique », explique Grégory Hourcadet. La stratégie envisagée repose sur la conservation du périmètre Sud-Ouest pour l’expérimentation et l’amélioration continue, tout en nouant des partenariats ailleurs.Nouveaux usages, nouveaux marchés La demande évolue. Des collectivités sollicitent Cubao pour des usages alternatifs, comme à Billère : « La mairie cherchait une solution pour alimenter ses balayeuses sans utiliser d’eau potable. On va raccorder un Cubao aux gouttières pour recueillir l’eau de pluie, raconte Pierre Gougy, Aujourd’hui, on utilise de l’eau traitée pour nettoyer des trottoirs… Est-ce que l’on a encore les moyens de ce gaspillage ? » Cette piste ouvre de nouvelles perspectives : « En dix remplissages, un Cubao est amorti. La récupération d’eau non potable, c’est notre prochain axe de développement. Je crois beaucoup à cette idée. » Malgré quelques retombées médiatiques, notamment via la fondation Solar Impulse et le réseau des maires de France, Cubao reste peu connu. « On a une petite notoriété locale, mais le produit reste à faire grandir », reconnaît Pierre Gougy. À 62 ans, il se projette comme passeur : « Je ne verrai pas tout le développement. Grégory Hourcadet, lui, portera l’avenir. Je suis persuadé qu’on peut implanter des Cubao sur tout le bassin méditerranéen. Espagne, Italie, Grèce… c’est un marché en devenir, imagine l'entrepreneur. Mais on ne le fera pas seuls. Il faudra une joint-venture avec une multinationale. »

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