Foncier saturé, logement bloqué : Rochefort face à son mur de développement
Depuis 20 ans, la ville de Rochefort continue de perdre des habitants. Crédits : Simon David (CARO)
À Rochefort, la contrainte n’est pas budgétaire mais géographique : le foncier manque, les prix grimpent, et le logement social ne suit plus. Un blocage que la Chambre régionale des comptes juge désormais structurel.
Sur le territoire de Rochefort Océan, la croissance est aujourd’hui freinée moins par les budgets que par la terre elle-même. Le dernier rapport de la Chambre régionale des comptes de Nouvelle-Aquitaine alerte sur un constat limpide : le foncier, rare et cher, menace la capacité du territoire à loger sa population et à soutenir son attractivité économique.
Un foncier rare, sous contraintes environnementales
Près de 38% du territoire communautaire est classé en zone Natura 2000, et la loi Littoral s’applique à plus de la moitié des communes. Ces protections, essentielles à la préservation des milieux naturels et à la prévention des risques d’inondation, se transforment en véritable casse-tête pour le développement de l’habitat. Selon une étude menée en mai 2024, seulement 170 hectares de terrains seraient encore mobilisables pour de nouveaux projets, à peine de quoi répondre aux besoins actuels. Et sur ce total, moins de 10% relèvent de la maîtrise foncière publique directe. Résultat : un prix du sol en hausse continue, une offre de logements bloquée et des opérations plus longues à sortir de terre.
Lire également : La technopole de Rochefort au cœur du programme européen Interreg
Ce manque de foncier aggrave les difficultés d’accès au logement. En 2023, seules 350 attributions ont été effectuées pour 2.234 demandes. Le délai moyen d’attente dépasse souvent 18 mois, avec un parc ancien mal adapté aux besoins : les grands logements se libèrent plus facilement que les petits. Surtout, la répartition reste très inégale. Rochefort concentre à elle seule 85% du parc social, tandis que les autres communes de l’agglomération accusent un retard criant – moins de 9% de logements sociaux, loin du seuil légal des 25%. Certaines sont même financièrement pénalisées pour ce manquement.
Un territoire à la recherche d’équilibre
Avec ses 65.000 habitants, la communauté d’agglomération tente de concilier attractivité économique et cadre de vie préservé. La ville-centre, qui concentre 70% des emplois, perd pourtant des habitants depuis 20 ans, quand les communes périurbaines gagnent en population mais peinent à accueillir les jeunes actifs. Pour enrayer cette tendance, la CARO multiplie les initiatives : réhabilitation de l’ancien hôpital Saint-Charles à Rochefort (60 millions d’euros d’investissement), développement de nouveaux quartiers et soutien à la mixité sociale.
Sur le plan budgétaire, la Chambre régionale des comptes souligne la bonne santé des deux collectivités. L’endettement par habitant à Rochefort est supérieur de 25% à la moyenne, mais la maîtrise des charges de fonctionnement assure un excédent confortable et des capacités d’investissement maintenues. La situation de la CARO est jugée similaire : soutenable et équilibrée. La juridiction financière recommande néanmoins de renforcer certains processus de gestion – achats publics, suivi comptable et contrôle interne – pour fiabiliser les procédures. Pour la Chambre, Rochefort et sa communauté d’agglomération doivent désormais surmonter ce verrou foncier s’ils veulent préserver leur attractivité.
Lire également - Rochefort : les thermes changent de modèle, un choix assumé
Sans maîtrise publique du sol ni renouvellement accéléré du parc de logements, la tension sociale et économique risque de s’accentuer. La soutenabilité financière n’est qu’un atout ; encore faut-il avoir l’espace pour bâtir l’avenir.