Filière batteries : Pourquoi le projet EMME veut aller vite - Premium

« Il faut qu’on soit les premiers, c’est essentiel pour réussir le projet. » Sylvie Dubois-Decool, directrice générale d’EMME (Electro Mobility Materials Europe) n’y va pas par quatre chemins. L’usine de conversion de cobalt et de nickel que sa société veut implanter sur le terminal industrialo-portuaire de Grattequina, à cheval sur les communes de Parempuyre et de Blanquefort, s’inscrit dans une course où le temps est précieux, estime-t-elle. C’était tout l’objet de cette soirée de présentation - d’aucuns parmi les opposants parleraient de lobbying - devant un parterre d’une quarantaine de décideurs et chefs d’entreprise locaux, dont des représentants du Grand Port Maritime de Bordeaux, industriels du monde de la chimie ou de l’énergie.À lire également - Filière batteries : tout savoir sur le méga-projet EMME en bord de GaronneParmi ceux-ci Patrick Seguin, le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Bordeaux Gironde. Hôte de la soirée en son Palais de la Bourse, il affirme « le soutien plein et entier de la CCI au projet EMME. Nous avons voté et remis notre copie à la CNDP [ndlr, Commission nationale du débat public]. Notre avis est très largement favorable, d’autant que vous avez répondu à nos réserves sur l’aspect environnemental », lance-t-il en mots de bienvenue. « La réindustrialisation, on en parle mais il faut la faire. Nous sommes à vos côtés. »Se placer au plus vite dans la chaîne de valeurLa CNDP doit rendre son rapport d’ici quelques semaines. « Ça va nous permettre d’avancer et de pouvoir démarrer officiellement toutes les procédures de demandes et de permis », relance Antonin Beurrier, président d’EMME. Sa directrice générale détaille : « Notre calendrier est extrêmement ambitieux. Nous voulons avoir l’ensemble des autorisations environnementales et administratives en début d’année prochaine. Pour mener la construction de mi-2026 à mi-2028, monter en cadence pendant un an jusqu’à la production nominale. » Cette production, quelle serait-elle ? Annuellement : 20.000 tonnes de nickel (10% de la demande sur l’Union européenne à horizon 2030) et 3.000 tonnes de cobalt. Et surtout un positionnement sur un des premiers stades de la chaîne de valeur des matériaux pour batteries dédiées aux véhicules électriques : juste après l’extraction et les tout premiers traitements, permettant de créer les matériaux précurseurs à la fabrication des cathodes. « Cette filière est dominée à 80% par la Chine. Mais elle est en évolution. À la fois sur le plan technologique mais aussi sur le plan géographique, avec un certain nombre de constructeurs et fabricants qui se positionnent sur l’Europe. La porte est entrouverte, nous devons être les premiers à y mettre le pied », résume encore Sylvie Dubois-Decool.À lire également - Méga-usine EMME en bord de Garonne : « un projet sérieux, par des gens expérimentés »Benjamin Gallezot, le directeur de la Délégation interministérielle aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques - la bien-nommée DIAMMS - confirme. « La stratégie dans laquelle s’insère le projet EMME est nationale et européenne. Le sujet, c’est la production de matériaux pour batteries de véhicules électriques. Cela s’insère dans une vision plus globale des minéraux et métaux stratégiques pour l’industrie, dont il faut sécuriser l’approvisionnement. Toute notre industrie dépend d’eux. Cette industrie de la batterie se positionne essentiellement pour les véhicules électriques, un peu aussi pour le stockage d’énergie renouvelable. La France a réussi à électrifier quantité de procédés mais la consommation de pétrole reste très importante. Le pétrole demeure le principal élément de consommation du transport. Le gros point noir de notre facture énergétique, c’est le transport. Cette transition est un élément fondamental pour atteindre nos objectifs climatiques. Et je rappelle que nous importons quasiment 100% de notre pétrole », déroule-t-il. À son échelle, le projet EMME serait donc tout à la fois un sujet d’indépendance énergétique, de souveraineté industrielle, de balance commerciale, de transition environnementale… En outre, le site serait capable d’intégrer dans son process industriel, dès son démarrage, 10% de matières premières issus du recyclage.Des impacts économiques et de compétences pour l’agglomération bordelaise et la régionAnnoncées dès que le projet est sorti du bois il y a un peu plus d’un an, les principales retombées économiques sont rappelées. L’investissement global, chiffré à environ un demi-milliard d’euros, se traduira ensuite par la création de 500 emplois, dont deux tiers pour des postes de techniciens et employés qualifiés : 200 emplois directs et 300 emplois induits auprès d’entreprises prestataires locales. Il est en outre annoncé « 32 millions d’euros par an d’achats de services et de consommables » et « 20 millions d’euros par an de contribution à la fiscalité, en impôt sur les sociétés et charges sociales ».Outre son aspect industriel pur, le site EMME comprendrait également « un laboratoire R&D de référence », qui s’appuierait sur une équipe d’une quinzaine d’experts en science des matériaux et génie des procédés. À cet égard, la synergie mutuellement profitable pourrait jouer à plein entre EMME et la filière chimie régionale, comme en témoigne Frédéric Bataille, délégué général de France Chimie Nouvelle-Aquitaine et d’ACD Nouvelle-Aquitaine. « Création d’emplois qualifiés sur le territoire de Bordeaux Métropole, développement de nouvelles compétences en raffinage de métaux critiques, contribution à la décarbonation en lien avec les ambitions de la ZIBaC Bordeaux » dans la corbeille de mariage de la part d’EMME. Pour sa part, la filière chimie régionale entend apporter son expertise en chimie industrielle et en économie circulaire, un réseau de fournisseurs, sous-traitants et partenaires industriels, mais aussi le soutien des institutions régionales et de l’enseignement supérieur et de la recherche…Les prochaines semaines diront si l'ambitieux calendrier peut être tenu.

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