Musicalarue à Luxey, un défi fou pour un festival hors norme - Premium

L’essayer, c’est l’adopter. Ce slogan à l’accent publicitaire sied à merveille à Musicalarue. Au travers des décennies, le festival a su conserver sa singularité pour se positionner désormais parmi les temps forts de l’été dans le grand sud-ouest. Pour la 35ème édition, le programme offrait une diversité rare avec pour têtes d’affiche Julien Doré, Santa, Philippe Katerine, Ben Mazué ou encore le chanteur M avec son projet Lamomali. Mais au-delà de la programmation artistique, Musicalarue c’est aussi et surtout un état d’esprit qui perdure et se transmet de génération en génération. La vie est bien calme à Luxey. Dans ce village de 700 âmes, les semaines s’écoulent paisiblement à l’ombre des pins des Landes. Mais durant trois jours de juillet, le bourg se transforme pour devenir le cadre d’un festival réunissant 45.000 personnes. Les racines de l'événement sont anciennes et remontent à 1968. A cette époque, une bande de jeunes du village décide de festoyer autrement. Certains sont étudiants à Bordeaux et ils emmènent leurs copains dans ce coin de la Haute-Lande. Un carnaval, des arts de la rue, des concerts... déjà, les graines sont plantées et germeront pour donner naissance en 1990 à Musicalarue. C’est dans ce passé que le présent du festival s’explique. « Il y a ici une tradition de la fête autrement qui repose notamment par la capacité d’accueil de l’autre », souligne François Garrain, le président de l’association Musicalarue. Une parenthèse anachronique Ici, la manifestation n’est pas gérée par une entreprise commerciale mais par une structure associative. Un OVNI dans le show business, qui attire beaucoup de bénévoles. Ils sont 964 à avoir prêter main forte pour l’édition 2025. « Ils sont nombreux et joyeux, cela transpire dans le climat de la manifestation », estime le natif de Luxey. Une particularité de plus qui rend ce festival « anachronique » selon lui. Outre l’éclectisme de la programmation, l’aspect intergénérationnel du public et l’atmosphère bienveillante, cela montre « qu’en étant nombreux, on peut faire des choses positives et différentes ».Le festival se déroule dans le centre bourg de Luxey. Crédit photo : Fabien Espinasse/ Musicalarue « Dans le monde rural souvent oublié, les habitants retrouvent une certaine fierté d’accueillir chez eux des artistes de renommée nationale et internationale », pense le Luxois. Avec une gestion désintéressée, une mobilisation populaire et un grain de folie, Musicalarue n’en finit pas de grandir. De 3.000 spectateurs dans les années 1990, il accueille désormais 15.000 personnes par jour et a même connu un pic à 20.000 en 2019. Mais plutôt que céder à l’appel de l’argent, la direction a pris une décision radicale. « Nous avons fait le choix de la décroissance en baissant la jauge de 5.000 places par soir, ce qui entraînait une baisse de revenus de 200.000 euros par jour ». Pour des raisons d'infrastructures, de sécurité et pour ne pas perdre son âme, cette diminution a néanmoins été comblée par le développement du mécénat afin de renforcer le budget. Un équilibre financier fragile Le coût d’un tel festival s’élève à 3,4 millions d’euros. « 1,3 million d’euros est consacré aux cachets des artistes, pour les reste les postes les plus importants sont la sécurité et la logistique », détaille François Garrain. Côté revenus, 17% proviennent de subventions de collectivités locales et 17% du mécénat avec notamment des structures telles que Biolandes, Aqualandes ou encore Agrolandes. « Les entreprises ont compris qu’elles ne peuvent pas vivre sur un territoire sans regarder ce qu’il s’y passe ».A lire également : 1/5 Economie et festivals au Pays Basque : « Des moteurs de la vie culturelle » Pour le reste, 66% des revenus est généré en autofinancement avec la billetterie, et les stands sur place : restauration, snack, buvette, boutique… Mais de telles sommes provoquent une pression énorme pour les organisateurs. « Nous sommes tenus d’avoir trois soirées complètes pour tenir le budget, la moindre variable comme une météo défavorable peut avoir un impact sur les entrées et les consommations sur nos stands ». Selon une étude du Centre national de la musique, deux festivals sur trois sont déficitaires cette année. Des poids lourds comme We Love Green (Paris), Garorock (Marmande) ou MusiLac (Savoie) ont un point commun : ils ont perdu de l'argent en 2025. Alors, à l’issue de la 35ème édition, François Garrain et ses équipes peuvent souffler. « Nous éprouvons un sentiment de soulagement au niveau économique mais aussi de voir que ce festival conserve tout son charme. La parenthèse magique a opéré, une année de plus ». Jusqu’à quand la recette de la potion continuera-t-elle à fonctionner ? Le président est conscient que les menaces existent. « Inflation, baisse des subventions, changement climatique… les risques sont là ». Les nuages pointent à l’horizon mais tant que l’énergie des Luxois souffle de concert, ils restent éloignés de ce petit village gaulois qui continue à faire briller un festival, en dépit des logiques de marché.

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