Huîtres Marennes-Oléron : une filière qui veut rebondir face à la crise - Premium

La tempête est passée, mais les remous se font encore sentir. Après la crise sanitaire de septembre 2023 qui a durement frappé la conchyliculture française, les producteurs d’huîtres Marennes-Oléron veulent tourner la page. Avec des volumes en forte baisse et un chiffre d’affaires amputé de 25 millions d’euros en un an, la filière n’a pas d’autre choix que de se réinventer. « Cette crise a provoqué une véritable perte de confiance des consommateurs. À nous de regagner leur confiance et de redonner de l’élan à la marque Marennes-Oléron », résume Laurent Chiron, président du groupement qualité.Une appellation emblématique fragiliséeLe groupement Qualité Huîtres Marennes-Oléron, créé en 2005, est à la fois organisation de producteurs et organisme de défense et de gestion. Il est le seul habilité à défendre et promouvoir l’IGP et le Label Rouge, deux distinctions qui placent l’huître Marennes-Oléron au rang des produits français protégés au même titre que le champagne ou le cognac. Premier produit de la mer à avoir décroché une appellation, dès 1989, l’huître affinée en claire est une signature de la Charente-Maritime. Mais derrière ce patrimoine gastronomique se cache une réalité plus fragile : en dix ans, le nombre d’adhérents est passé de 250 à 180. « L’ostréiculture n’est plus celle de mon grand-père. Des entreprises disparaissent faute de repreneurs, les parcs sont absorbés par des structures plus grandes. La filière change de visage, même si elle reste profondément enracinée dans la tradition », constate Laurent Chiron.Lire également : Ostréiculture en crise : 30% du volume en moins en Charente-MaritimeAvant la crise de 2023, la production nationale d’huîtres atteignait 100.000 tonnes, dont 20.000 tonnes pour Marennes-Oléron, soit un cinquième du marché. Depuis, les chiffres se sont effondrés : 75.000 tonnes au niveau national, à peine 13.000 tonnes pour le territoire. La perte est lourde : environ 25 millions d’euros de chiffre d’affaires envolés entre 2023 et 2024, sur la base d’un prix moyen de 6 euros le kilo toutes qualités confondues. Pour les producteurs, le coup est rude. La filière se retrouve avec un double défi : restaurer la confiance des consommateurs, refroidis par la crise sanitaire, et redonner de la valeur à une appellation qui a bâti sa réputation sur l’excellence.Lire également : L'huître d'appellation Marennes-Oléron ne sera plus produite l'étéLe rebond passe aussi par une meilleure adaptation au réchauffement climatique. L’affinage en claire, spécificité historique de Marennes-Oléron, est particulièrement sensible aux températures élevées. Le groupement a donc choisi de modifier son cahier des charges pour instaurer une saisonnalité assumée : affinage de septembre à juin, suspension pendant l’été. « Nous avons pris cette décision par anticipation, par respect du consommateur. Une huître affinée en été risquait d’être trop salée, voire de ne pas survivre. Aujourd’hui, nous garantissons une qualité constante sans perturbation sur les volumes disponibles », insiste Laurent Chiron. Ce choix, qui consacre l’huître comme un produit de saison, rapproche Marennes-Oléron des grandes appellations viticoles ou fromagères. Une manière de valoriser son authenticité et de rappeler que l’excellence suppose parfois des contraintes.Le groupement fait le choix de rebondir grâce à la communication et à l'export. Crédit : Laurie FerrèreLe groupement a deux autres leviers pour retrouver de la croissance : mieux communiquer et développer l’export. Les campagnes télévisées nationales ne sont plus à la portée de la filière : priorité désormais aux réseaux sociaux et aux actions ciblées pour dynamiser la consommation. À l’international, la stratégie s’accélère. Des actions de promotion ont déjà été menées à Singapour, Hong Kong et au Japon, où l’ouverture du marché aux huîtres françaises est attendue. « Le marché japonais n’est pas encore accessible, mais il devrait bientôt s’ouvrir. Quand ce sera le cas, les huîtres Marennes-Oléron seront prêtes », assure le président. Les États-Unis figurent également sur la feuille de route, avec un objectif : désengorger le marché français et donner de l’air à des producteurs fragilisés.Lire également : Huîtres Marennes-Oléron : 50 à 70% du chiffres d'affaires réalisé pendant les fêtes de NoëlPour 2025, l’ambition est claire : retrouver le chiffre d’affaires perdu. Deux voies sont possibles : remonter progressivement les volumes vers les 19 à 20 mille tonnes d’avant-crise, ou relever les prix. « Nous espérons que les négociations avec la grande distribution permettront de revaloriser le kilo d’huîtres. C’est indispensable pour donner de la visibilité à nos entreprises », explique Laurent Chiron. Mais la route est étroite. Une partie des consommateurs pourrait arbitrer en faveur d’huîtres moins chères, vendues sous l’appellation générique « Huîtres de France », sans garantie d’origine. « Vendre une huître sans indication d’origine, c’est peut-être la vendre moins cher, mais c’est priver le consommateur de traçabilité et de qualité. L’IGP Marennes-Oléron reste une valeur sûre », rappelle le président du groupement.Fragilisée par la crise sanitaire, confrontée au défi climatique et à la pression du marché, la filière Marennes-Oléron doit se réinventer sans renier ses racines. « Comme un chêne, l’ostréiculture développe de nouvelles branches tout en gardant ses racines profondément ancrées », illustre Laurent Chiron. Fragilisée par la crise, Marennes-Oléron mise sur l’export et la revalorisation des prix pour se relancer. Reste à savoir si les consommateurs suivront, dans un marché de plus en plus tiraillé entre qualité certifiée et recherche du bas prix.Groupement qualité huîtres Marennes-Oléron180 ostréiculteurs27 communes100 millions de CA

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