Léa Nature, l’entreprise qui veut faire du bio une question de santé publique - Premium

Le bio a traversé la tempête, mais l’arbre n’a pas rompu. Après plusieurs années de repli, le marché reprend peu à peu des couleurs. Dans ce paysage en recomposition, Léa Nature trace sa propre voie, celle d’une entreprise indépendante, patrimoniale et philanthropique, qui fait de la santé publique son véritable cap. Son fondateur, Charles Kloboukoff, a voulu inscrire cette vision jusque dans la structure même du groupe.Chez Léa Nature, le symbole de l’arbre n’est pas une simple métaphore, il structure la gouvernance. Depuis 2021, la fondation FICUS - pour Fonds d’Initiatives Citoyennes, Utopiques et Solidaires - est appelée à devenir l’actionnaire majoritaire du groupe. Une première en France. L’objectif : pérenniser le capital et sanctuariser les valeurs. « Le but n’est pas que la fondation possède tout », précise Charles Kloboukoff. « Elle veille simplement à ce que l’entreprise reste fidèle à ses engagements. » Chaque année, FICUS redistribue une part des dividendes à des associations environnementales, sociales ou éducatives - dans la continuité du mécénat engagé depuis 2007, qui a déjà reversé plus de 23 millions d’euros. Pour son fondateur, ce modèle est avant tout une garantie d’indépendance : « Ce fonds assure que Léa Nature ne sera jamais vendue au plus offrant. »Lire également : Léa Nature renforce son ancrage territorial avec un nouvel investissementUne gouvernance ouverte et expertePour accompagner cette transformation, un conseil stratégique externe, le COSTRAT, a vu le jour. Autour de la table, des figures de l’économie française comme Serge Papin* (ex-Système U) ou Frédérick Bouisset (ex-Fleury Michon). « Ce conseil ne décide pas, mais il éclaire nos choix », souligne Charles Kloboukoff. « Quand on fait appel à des dirigeants d’expérience, c’est pour les écouter. » Frédérick Bouisset, par exemple, accompagne le groupe dans la relance de son pôle traiteur bio, particulièrement touché par la crise. « Ce n’est pas que du simple consultatif », reconnaît le fondateur. L’ouverture du capital aux salariés complète cette architecture inédite. Une première opération, prévue fin 2025, permettra à une quarantaine de managers et directeurs de devenir actionnaires. « L’objectif est qu’ils détiennent à terme plus de 10% des parts, autant que les investisseurs », détaille-t-il. D’ici 2030, la fondation FICUS détiendra 33% du capital de la holding, tandis que la part des collaborateurs progressera parallèlement. Un équilibre pensé comme une alternative au capitalisme spéculatif : durable, collectif et indépendant.Le « bio de relance » : la santé avant tout Sur le plan stratégique, Léa Nature défend un « bio de relance » centré sur la santé plutôt que sur le seul argument écologique. « Il faut dépasser le militantisme vert et démontrer scientifiquement les bénéfices du bio », plaide Charles Kloboukoff. Face aux labels comme la « haute valeur environnementale », qu’il juge trompeurs, il insiste : « Ces démarches ne garantissent pas la réduction des pesticides, pourtant au cœur de la question sanitaire. » Le groupe s’appuie désormais sur des indicateurs indépendants - Planet Score, Origin’Info, Green Impact Index - et milite pour une pédagogie scientifique du bio. « Le consommateur doit comprendre que le bio, c’est d’abord un choix de santé », insiste-t-il.Lire également : Léa Nature accélère sa croissance et devient majoritaire de Berdoues Parfums & CosmétiquesSi l’alimentaire retrouve un second souffle, le segment de la cosmétique bio reste, lui, fragilisé, pris en étau entre les promesses du « naturel » et les codes de la « clean beauty ». « Le marché tire les prix vers le bas et la technicité vers le haut. Entre les deux, le bio doit prouver sa valeur », reconnaît le fondateur. Leader du secteur avec SO’BiO étic, Léa Nature mise sur une stratégie à deux étages : rendre accessibles les produits d’hygiène du quotidien tout en montant en gamme sur les soins capillaires et anti-âge. « Le bio, en cosmétique, doit redevenir désirable », résume-t-il.Une croissance maîtrisée, tournée vers le sudÀ l’horizon 2030, le groupe vise 25% de son chiffre d’affaires à l’international, contre 17% aujourd’hui. L’Italie, l’Espagne ou le Portugal apparaissent comme des marchés porteurs pour ses marques. Pour 2025, Léa Nature table sur 520 millions d’euros de chiffre d’affaires, en hausse de 4%, avec 2.000 collaborateurs. Une progression mesurée mais solide dans un contexte encore fragile. Reste une frustration, celle du manque de soutien public. « Aujourd’hui, le bio n’est pas aidé. Les subventions vont au conventionnel. En Europe, d’autres pays le considèrent déjà comme un enjeu de santé publique », regrette Charles Kloboukoff.Lire également : Léa Nature décide de limiter les emballages en développant le vracAlors que le marché du bio tente de se réinventer, Léa Nature s’efforce de prouver qu’un autre modèle est possible. Celui d'une entreprise à mission, gouvernée par un fonds philanthropique, adossée à une stratégie de long terme et à une exigence scientifique.* Devenu ministre des PME, du Commerce, de l’Artisanat, du Tourisme et du Pouvoir d’achat, Serge Papin s’est mis en retrait du COSTRAT de Léa Nature pour éviter tout mélange entre sphère politique et économique.

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