Apprentissage industriel : le Pays basque et le Béarn résistent - Premium

Selon les chiffres de l’UIMM, 65.000 contrats d’apprentissage ont disparu en un an en France. Un chiffre brandi à l’occasion du lancement de la semaine de l’industrie qui va s’échelonner tout le long du mois de novembre, et notamment dans les départements des Pyrénées-Atlantiques et des Landes. Un recul qui s’explique par le « rabotage des aides à l’apprentissage » et une incertitude économique persistante qui affecte les capacités de projection des entreprises. Les tensions de recrutement restent vives, notamment dans l’industrie où six des dix métiers les plus en tension sont liés à la métallurgie, l’aéronautique ou la soudure. « On voit un besoin de recruter, mais ça s’estompe », alerte Didier Lacassagne, président de l’UIMM Adour-Atlantique. « Le rabotage des aides commence à se faire sentir : la dynamique sur l’apprentissage marque le pas. » Dans les Pyrénées-Atlantiques, le tableau est plus nuancé. Le département a enregistré plus de 10.000 recrutements dans l’industrie en 2024, dont 5.500 en Béarn, avec une forte proportion de CDI et de CDD longs (63%). « En local, c’est moins marqué », reconnaît Didier Lacassagne. « On baigne encore dans une activité soutenue, notamment grâce à l’aéronautique. L’attractivité commence à nous récompenser. » La sous-préfète Joëlle Gras souligne de son côté que « l’aéronautique tire vers le haut toute l’économie du territoire », contribuant à maintenir un tissu d’entreprises en demande de main-d’œuvre formée. Au Pays basque, cette dynamique s’inscrit dans une culture industrielle ancrée. « On est au-delà des chiffres nationaux, avec des filières historiques et notamment un tissu industriel qui irrigue le territoire », note Mikel Charritton, dirigeant du sous-traitant aéronautique Lauak et élu de la CCI Bayonne Pays basque. « Le contexte est incertain, mais notre industrie résiste avec agilité. »L’apprentissage, un levier stratégique pour les entreprises Dans ce contexte, l’apprentissage reste un outil central de recrutement, en particulier sur les métiers en tension. « Pour les métiers à forte valeur ajoutée - usineur, chaudronnier, soudeur - on peut avoir de vrais profils si on investit dans la formation », souligne Didier Lacassagne. « Cela donne aussi de la réactivité face aux besoins. Il faut vraiment s’appuyer sur cet outil. » Le groupe Lauak, basé à Hasparren, en est un exemple concret. Il forme en interne sur trois métiers (chaudronnier, ajusteur, soudeur) avec trois sessions par an. « On ne trouve pas toujours les compétences sur le marché, alors on forme nous-mêmes », explique Mikel Charritton. Former en interne, c’est aussi créer un attachement, « nos stagiaires et alternants s’approprient la culture d’entreprise », reprend le dirigeant. Avec un résultat encourageant : un alternant sur trois est embauché, contre un sur quatre au niveau national.À lire également - Alternance : Safran engage 7 millions d'euros à Bordes pour « une voie d'excellence » Mickaël Holowatenko, directeur de CITBA à Arthez-de-Béarn, confirme : « À notre échelle, c’est un des meilleurs moyens de recruter pour la production. Former des jeunes et moins jeunes à notre métier est indispensable. » Entre 5 et 7% des effectifs de l’entreprise sont actuellement en alternance ou en contrat de professionnalisation. Des profils plus diversifiés et un enjeu de reconversionL’apprentissage est également devenu un outil d’insertion pour les personnes en reconversion. « On a beaucoup développé cet axe : dans CAMI Aéro, 60% des profils intégrés sont des personnes en reconversion », indique Didier Lacassagne. La féminisation progresse également, même si les freins restent nombreux. « Dans certaines promotions, on atteint 35% de femmes. C’est le fruit de plusieurs années d’ouverture des entreprises. » Mais sur les métiers de production, le déséquilibre persiste. « C’est extrêmement difficile de recruter des jeunes filles. Nos métiers souffrent d’une image très dégradée », admet Mickaël Holowatenko. « En revanche, on observe plus de facilité sur les métiers supports. » Un équilibre sous pression La baisse des aides à l’apprentissage fait peser une réelle menace sur ce modèle local. « Elle se traduira par une baisse des recrutements. Les petites structures devront faire des choix stratégiques et financiers », anticipe Didier Lacassagne. Nathalie Larroutis, présidente du Medef Béarn et Soule, abonde : « Ce sont surtout les petites structures qui seront impactées. Et il ne faut pas oublier que prendre un apprenti, ce n’est pas pour toucher une aide, c’est pour investir du temps, former quelqu’un, et l’embaucher. » Dans les territoires ruraux, la difficulté est aussi de fidéliser. Dirigeant de l’entreprise de chaudronnerie STICS, installée, elle aussi, à Arthez-de-Béarn, Jean-Pierre Escouteloup le constate : « On forme des apprentis, mais on ne peut pas les garder. Les jeunes qui sortent de nos petites boîtes trouvent du travail très rapidement, souvent mieux payé ailleurs. On en garde un ou deux sur cent… » Anticiper les besoins Face à ces tensions, les acteurs du territoire misent sur la coopération. « Tout l’enjeu, aujourd’hui, c’est de se préparer à répondre aux développements importants », estime Cédric Gardette, directeur départemental délégué Pyrénées-Atlantiques à France Travail. « On doit continuer à mettre en avant le secteur industriel. La main-d’œuvre pourrait ne pas suffire. » Des campagnes thématiques, comme « Tu as ta place » ou « Industri’elles », ont été lancées pour valoriser la diversité des métiers. « On commence à voir les résultats », assure Didier Lacassagne. « C’est le fruit de plusieurs années d’efforts. »La semaine de l’industrie au Pays basque et en Béarn cette année :Du 3 novembre au 7 décembre, la Semaine de l’industrie mettra à l’honneur les savoir-faire industriels des Pyrénées-Atlantiques et du Seignanx, autour du thème « Avec l’industrie, fabrique ton avenir ». Pendant ce mois entier, le dispositif se donne pour mission de faire découvrir les différents métiers mais aussi susciter des vocations. Tout au long du mois, une série d’événements viendra illustrer cette ambition. Au Pays basque, une matinée « Industrie basque : la nouvelle génération » sera organisée le 13 novembre par la Communauté d’agglomération et l’association Pays Basque Industries fera dialoguer des lycéens et des chefs d’entreprise pour confronter leurs représentations du secteur industriel. Avant cela, une Nuit de l’orientation est organisée le 6 novembre à la CCI Bayonne Pays basque. Elle entend permettre aux jeunes et à leurs familles de rencontrer les entreprises et les organismes de formation. En Béarn, plusieurs visites d’usines, ateliers de découverte et conférences seront organisés, notamment au CSTJF de Pau avec TotalEnergies et le Territoire d’industrie Lacq-Pau-Tarbes, autour des métiers de l’industrie décarbonée. Des actions de sensibilisation à la mixité et à la reconversion viendront également ponctuer la semaine, en lien avec France Travail et l’UIMM Adour Atlantique.

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